Documenti costituzionali francesi (III parte):dal l'Atto addizionale del 1815 alla Costituzione del II Impero




 

1- L´Atto addizionale alle Costituzioni del 22 aprile 1815
2- La Carta costituzionale del 14 agosto 1830
3- La Costituzione del 4 novembre 1848
4- La Costituzione del 14 gennaio 1852
(La Constitution du 14 janvier 1852 et ses modifications)
Proclamation du 14 janvier 1852
Constitution du 14 janvier 1852 (faite en vertu des pouvoirs délégués par le peuple français à Louis Napoléon Bonaparte par le vote des 20 et 21 décembre 1851)
Sénatus-consulte du 7 novembre 1852, portant modification à la Constitution
Décret impérial du 2 décembre 1852, qui promulgue et déclare Loi de l´Etat le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, ratifié par le plébiscite des 21 et 22 novembre
Sénatus-consulte du 12 décembre 1852, sur la liste civile et la dotation de la couronne
Sénatus-consulte du 25 décembre 1852, portant interprétation et modification de la Constitution du 14 janvier 1852
Sénatus-consulte du 23 avril 1856, interprétatif de l´article 22 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852, sur la liste civile et la dotation de la couronne
Sénatus-consulte du 17 juillet 1856, sur la régence de l´Empire
Sénatus-consulte du 2 février 1861, qui modifie l´article 42 de la Constitution
Sénatus-consulte du 18 juillet 1866, qui modifie la Constitution et notamment les articles 40 et 41
Sénatus-consulte du 14 mars 1867, qui modifie l´article 26 de la Constitution
Sénatus-consulte du 8 septembre 1869, qui modifie divers articles de la Constitution, les articles 3 et 5 du sénatus-consulte du 22 décembre 1852 et l´article 1er du sénatus-consulte du 31 décembre 1861
Sénatus-consulte du 21 mai 1870, fixant la Constitution de l´Empire 

1. Acte additionnel aux constitutions de l´Empire du 22 avril 1815

TITRE PREMIER : Dispositions générales
TITRE II : Des collèges électoraux et du mode d´élection
TITRE III : De la loi de l´impôt
TITRE IV : Des ministres, et de la responsabilité
TITRE V : Du pouvoir Judiciaire
TITRE VI : Droits des citoyens

Depuis que nous avons été appelé, il y a quinze années, par le voeu de la France, au gouvernement de l´Etat, nous avons cherché à perfectionner, à diverses époques, les formes constitutionnelles, suivant les besoins et les désirs de la nation, et en profitant des leçons de l´expérience. Les constitutions de l´Empire se sont ainsi formées d´une série d´actes qui ont été revêtus de l´acceptation du peuple. Nous avions alors pour but d´organiser un grand système fédératif européen, que nous avions, adopté comme conforme à l´esprit du siècle, et favorable aux progrès de la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l´étendue et toute la stabilité dont il était susceptible, nous avions ajourné l´établissement de plusieurs institutions intérieures, plus spécialement destinées à protéger la liberté des citoyens. Notre but n´est plus désormais que d´accroître la prospérité de la France par l´affermissement de la liberté publique. De là résulte la nécessité de plusieurs modifications importantes dans les constitutions, sénatus-consultes et autres actes qui régissent cet empire. A CES CAUSES, voulant, d´un côté, conserver du passé ce qu´il y a de bon et de salutaire, et, de l´autre, rendre les constitutions de notre Empire conformes en tout aux voeux et aux besoins nationaux, ainsi qu´à l´état de paix que nous désirons maintenir avec l´Europe, nous avons résolu de proposer au peuple une suite de dispositions tendant à modifier et perfectionner ses actes constitutionnels, à entourer les droits des citoyens de toutes leurs garanties, à donner au système représentatif toute son extension, à investir les corps intermédiaires de la considération et du pouvoir désirables ; en un mot, a combiner le plus haut point de liberté politique et de sûreté individuelle avec la force et la centralisation nécessaires pour faire respecter par l´étranger l´indépendance du peuple français et la dignité de notre couronne. En conséquence les articles suivants, formant un acte supplémentaire aux constitutions de l´Empire, seront soumis à l´acceptation libre et solennelle de tous les citoyens, dans toute l´étendue de la France. 

TITRE PREMIER

Dispositions générales

ARTICLE PREMIER. – Les constitutions de l´Empire, nommément l´acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII, les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an X, et celui du 28 floréal an XII, seront modifiés par les dispositions qui suivent. Toutes leurs autres dispositions sont confirmées et maintenues.

ART. 2. – Le Pouvoir législatif est exercé par l´Empereur et par deux Chambres.

ART. 3. – La première Chambre, nommée Chambre des pairs, est héréditaire.

ART. 4. – L´Empereur en nomme les membres, qui sont irrévocables, eux et leurs descendants mâles, d´aîné en aîné en ligne directe. Le nombre des pairs est illimité. L´adoption ne transmet point la dignité de pair à celui qui en est l´objet. – Les pairs prennent séance à vingt et un ans, mais n´ont voix délibérative qu´à vingt-cinq.

ART. 5. – La Chambre des pairs est présidée par l´archichancelier de l´Empire, ou, dans le cas prévu par l´article 51 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, par un des membres de cette Chambre désigné spécialement par l´Empereur.
ART. 6. – Les membres de la famille impériale, dans l´ordre de l´hérédité, sont pairs, de droit. Ils siègent après le président. Ils prennent séance à dix-huit ans, mais n´ont voix délibérative qu´à vingt et un.

ART. 7. – La seconde Chambre, nommée Chambre des représentants est élue par le peuple.

ART. 8. – Les membres de cette Chambre sont au nombre de six cent vingt-neuf. Ils doivent être âgés de vingt-cinq ans au moins.

ART. 9. – Le président de la Chambre des représentants est nommé par la Chambre à l´ouverture de la première session. Il reste en fonctions jusqu´au renouvellement de la Chambre. Sa nomination est soumise à l´approbation de l´Empereur.

ART. 10. – La Chambre des représentants vérifie les pouvoirs de ses membres, et prononce sur la validité des élections contestées.

ART. 11. – Les membres de la Chambre des représentants reçoivent pour frais de voyage, et durant la session, l´indemnité décrétée par l´Assemblée constituante.

ART. 12. – Ils sont indéfiniment rééligibles.

ART. 13. – La Chambre des représentants est renouvelée de droit en entier tous les cinq ans.

ART. 14. – Aucun membre de l´une ou de l´autre Chambre ne peut être arrêté, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivi en matière criminelle et correctionnelle, pendant les sessions, qu´en vertu d´une résolution de la Chambre dont il fait partie.

ART. 15. – Aucun ne peut être arrêté ni détenu pour dettes, à partir de la convocation, ni quarante jours après la session.

ART. 16. – Les pairs sont jugés par leur Chambre, en matière criminelle et correctionnelle, dans les formes qui seront réglées par la loi.

ART. 17. – La qualité de pair et de représentant est compatible avec toute fonction publique, hors celles de comptables. – Toutefois les préfets et sous-préfets ne sont pas éligibles par le collège électoral du département ou de l´arrondissement qu´ils administrent.

ART. 18. – L´Empereur envoie dans les Chambres des ministres d´Etat et des conseillers d´Etat, qui y siègent et prennent part aux discussions, mais qui n´ont voix délibérative que dans le cas où ils sont membres de la Chambre comme pairs ou élus du peuple.

ART. 19. – Les ministres qui sont membres de la Chambre des pairs ou de celle des représentants, ou qui siègent par mission du gouvernement, donnent aux Chambres les éclaircissements qui sont jugés nécessaires, quand leur publicité ne compromet pas l´intérêt de l´Etat.

ART. 20. – Les séances des deux Chambres sont publiques. Elles peuvent néanmoins se former en comité secret, la Chambre des pairs sur la demande de dix membres, celle des représentants sur la demande de vingt-cinq. Le gouvernement peut également requérir des comités secrets pour des communications à faire. Dans tous les cas, les délibérations et les votes ne peuvent avoir lieu qu´en séance publique.

ART. 21. – L´Empereur peut proroger, ajourner et dissoudre la Chambre des représentants. La proclamation qui prononce la dissolution, convoque les collèges électoraux pour une élection nouvelle, et indique la réunion des représentants, dans six mois au plus tard.

ART. 22. – Durant l´intervalle des sessions de la Chambre des représentants, ou en cas de dissolution de cette Chambre, la Chambre des pairs ne peut s´assembler.

ART. 23. – Le gouvernement a la proposition de la loi ; les Chambres peuvent proposer des amendements : si ces amendements ne sont pas adoptés par le gouvernement, les Chambres sont tenues de voter sur la loi, telle qu´elle a été proposée.

ART. 24. – Les Chambres ont la faculté d´inviter le gouvernement à proposer une loi sur un objet déterminé, et de rédiger ce qui leur paraît convenable d´insérer dans la loi. Cette demande peut être faite par chacune des deux Chambres.

ART. 25. – Lorsqu´une rédaction est adoptée dans l´une des deux Chambres, elle est portée à l´autre ; et si elle y est approuvée, elle est portée à l´Empereur.

ART. 26. – Aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, les rapports des ministres sur les lois qui sont présentées, et les comptes qui sont rendus, ne peut être lu dans l´une ou l´autre des Chambres. 

TITRE II

Des collèges électoraux et du mode d´élection

ART. 27. – Les collèges électoraux de département et d´arrondissement sont maintenus, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an X, sauf les modifications qui suivent.

ART. 28. – Les assemblées de canton rempliront chaque année, par des élections annuelles, toutes les vacances dans les collèges électoraux.

ART. 29. – A dater de l´an 1816, un membre de la Chambre des pairs, désigné par l´Empereur, sera président à vie et inamovible de chaque collège électoral de département.

ART. 30. – A dater de la même époque, le collège électoral de chaque département nommera, parmi les membres de chaque collège d´arrondissement, le président et deux vice-présidents. A cet effet, l´assemblée du collège de département précédera de quinze jours celle du collège d´arrondissement.

ART. 31. – Les collèges de département et d´arrondissement nommeront le nombre de représentants établi pour chacun par l´acte et le tableau ci-annexé, n° 1.

ART. 32. – Les représentants peuvent être choisis indifféremment dans toute l´étendue de la France. – Chaque collège de département ou d´arrondissement qui choisira un représentant hors du département ou de l´arrondissement, nommera un suppléant qui sera pris nécessairement dans le département ou l´arrondissement.

ART. 33. – L´industrie et la propriété manufacturière et commerciale auront une représentation spéciale. – L´élection des représentants commerciaux et manufacturiers sera faite par le collège électoral de département, sur une liste d´éligibles dressée par les chambres de commerce et les chambres consultatives réunies, suivant l´acte et le tableau ci-annexé, n° 2. 

TITRE III

De la loi de l´impôt

ART. 34. – L´impôt général direct, soit foncier, soit mobilier, n´est voté que pour un an ; les impôts indirects peuvent être votés pour plusieurs années. – Dans le cas de la dissolution de la Chambre des représentants, les impositions votées dans la session précédente sont continuées jusqu´à la nouvelle réunion de la Chambre.

ART. 35. – Aucun impôt direct ou indirect en argent ou en nature ne peut être perçu, aucun emprunt ne peut avoir lieu, aucune inscription de créances au grand-livre de la dette publique ne peut être faite, aucun domaine ne peut être aliéné ni échangé, aucune levée d´hommes pour l´armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être changée qu´en vertu d´une loi.

ART. 36. – Toute proposition d´impôt, d´emprunt, ou de levée d´hommes, ne peut être faite qu´à la Chambre des représentants.

ART. 37. – C´est aussi à la Chambre des représentants qu´est porté d´abord, 1° le budget général de l´Etat, contenant l´aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l´année à chaque département du ministère ; 2° le compte des recettes et dépenses de l´année ou des années précédentes. 

TITRE IV

Des ministres, et de la responsabilité

ART. 38. – Tous les actes du gouvernement doivent être contresignés par un ministre ayant département.

ART. 39. – Les ministres sont responsables des actes du gouvernement signés par eux, ainsi que de l´exécution des lois.

ART. 40. – Ils peuvent être accusés par la Chambre des représentants, et sont jugés par celle des pairs.

ART. 41. – Tout ministre, tout commandant d´armée de terre ou de mer, peut être accusé par la Chambre des représentants et jugé par la Chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l´honneur de la nation.

ART. 42. – La Chambre des pairs, en ce cas, exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour infliger la peine, un pouvoir discrétionnaire.

ART. 43. – Avant de prononcer la mise en accusation d´un ministre, la Chambre des représentants doit déclarer qu´il y a lieu à examiner la proposition d´accusation.

ART. 44. – Cette déclaration ne peut se faire qu´après le rapport d´une commission de soixante membres tirés au sort. Cette commission ne fait son rapport que dix jours au plus tôt après sa nomination.

ART. 45. – Quand la Chambre a déclaré qu´il y a lieu à examen, elle peut appeler le ministre dans son sein pour lui demander des explications. Cet appel ne peut avoir lieu que dix jours après le rapport de la commission.

ART. 46. – Dans tout autre cas, les ministres ayant département ne peuvent être appelés ni mandés par les Chambres.

ART. 47. – Lorsque la Chambre des représentants a déclaré qu´il y a lieu à examen contre un ministre, il est formé une nouvelle commission de soixante membres tirés au sort, comme la première ; et il est fait, par cette commission, un nouveau rapport sur la mise en accusation. Cette commission ne fait son rapport que dix jours après sa nomination.

ART. 48. – La mise en accusation ne peut être prononcée que dix jours après la lecture et la distribution du rapport.

ART. 49. – L´accusation étant prononcée, la Chambre des représentants nomme cinq commissaires pris dans son sein, pour poursuivre l´accusation devant la Chambre des pairs.

ART. 50. – L´article 75 du titre VIII de 1´acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII, portant que les agents du gouvernement ne peuvent être poursuivis qu´en vertu d´une décision du Conseil d´Etat, sera modifié par une loi. 

TITRE V

Du pouvoir Judiciaire

ART. 51. – L´Empereur nomme tous les juges. Ils sont inamovibles et à vie dès l´instant de leur nomination, sauf la nomination des juges de paix et des juges de commerce, qui aura lieu comme par le passé. Les juges actuels nommés par l´Empereur, aux termes du sénatus-consulte du
12 octobre 1807, et qu´il jugera convenable de conserver, recevront des provisions à vie avant le 1er janvier prochain.

ART. 52. – L´institution des jurés est maintenue.

ART. 53. – Les débats en matière criminelle sont publics.

ART. 54. – Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires.

ART. 55. – Tous les autres délits, même commis par les militaires, sont de la compétence des tribunaux civils.

ART. 56. – Tous les crimes et délits qui étaient attribués à la Haute Cour impériale et dont le jugement n´est pas réservé par le présent acte à la Chambre des pairs, seront portés devant les tribunaux ordinaires.

ART. 57. – L´Empereur a le droit de faire grâce, même en matière correctionnelle, et d´accorder des amnisties.

ART. 58. – Les interprétations des lois, demandées par la Cour de cassation, seront données dans la forme d´une loi. 

TITRE VI

Droits des citoyens

ART. 59. – Les Français sont égaux devant la loi, soit pour la contribution aux impôts et charges publiques, soit pour l´admission aux emplois civils et militaires.

ART. 60. – Nul ne peut, sous aucun prétexte, être distrait des juges qui lui sont assignés par la loi.

ART. 61. – Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ni exilé, que dans les cas prévus par la loi et suivant les formes prescrites.

ART. 62. – La liberté des cultes est garantie à tous.

ART. 63. – Toutes les propriétés possédées ou acquises en vertu des lois et toutes les créances sur l´Etat, sont inviolables.

ART. 64. – Tout citoyen a le droit d´imprimer et de publier ses pensées, en les signant, sans aucune censure préalable, sauf la responsabilité légale, après la publication, par jugement par jurés, quand même il n´y aurait lieu qu´à l´application d´une peine correctionnelle.

ART. 65. – Le droit de pétition est assuré à tous les citoyens. Toute pétition est individuelle. Ces pétitions peuvent être adressées, soit au gouvernement, soit aux deux Chambres : néanmoins ces dernières même doivent porter l´intitulé : A Sa Majesté l´Empereur. Elles seront présentées aux Chambres sous la garantie d´un membre qui recommande la pétition. Elles sont lues publiquement, et si la Chambre les prend en considération, elles sont portées à l´Empereur par le président.

ART. 66. – Aucune place, aucune partie du territoire, ne peut être déclarée en état de siège, que dans le cas d´invasion de la part d´une force étrangère, ou de troubles civils. – Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du gouvernement. – Dans le second cas, elle ne peut l´être que par la loi. Toutefois, si, le cas arrivant, les Chambres ne sont pas assemblées, l´acte du gouvernement déclarant l´état de siège doit être converti en une proposition de loi dans les quinze premiers jours de la réunion des Chambres.

ART. 67. – Le peuple français déclare que, dans la délégation qu´il a faite et qu´il fait de ses pouvoirs, il n´a pas entendu et n´entend pas donner le droit de proposer le rétablissement des Bourbons ou d´aucun prince de cette famille sur le trône, même en cas d´extinction de la dynastie impériale, ni le droit de rétablir soit l´ancienne noblesse féodale, soit les droits féodaux et seigneuriaux, soit les dîmes, soit aucun culte privilégié et dominant, ni la faculté de porter aucune atteinte à l´irrévocabilité de la vente des domaines nationaux ; il interdit formellement au gouvernement, aux Chambres et aux citoyens toute proposition à cet égard.

Suivent l´acte et les tableaux fixant le nombre des députés à élire pour la Chambre des représentants.

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2. La charte constitutionnelle du 14 août 1830

Droit public des Français
Formes du gouvernement du roi
De la Chambre des pairs
De la Chambre des députés
Des ministres
De l´Ordre judiciaire
Droits particuliers garantis par l´Etat
Dispositions particulières

LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT. – NOUS AVONS ORDONNÉ ET ORDONNONS que la Charte constitutionnelle de 1814, telle qu´elle a été amendée par les deux Chambres le 7 août et acceptée par nous le 9, sera de nouveau publiée dans les termes suivants : 

Droit public des Français

ARTICLE PREMIER. – Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d´ailleurs leurs titres et leurs rangs.

ART. 2. – Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l´Etat.

ART. 3. – Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

ART. 4. – Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu´elle prescrit.

ART. 5. – Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.

ART. 6. – Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du Trésor public.

ART. 7. – Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. – La censure ne pourra jamais être rétablie.

ART. 8. – Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu´on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles.

ART. 9. – L´Etat peut exiger le sacrifice d´une propriété pour cause d´intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable.

ART. 10. – Toutes recherches des opinions et des votes émis jusqu´à la Restauration sont interdites : le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens.

ART. 11. – La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l´armée de terre et de mer est déterminé par une loi. 

Formes du gouvernement du roi

ART. 12. – La personne du roi est inviolable et sacrée. Ses ministres sont responsables. Au roi seul appartient la puissance exécutive.

ART. 13. – Le roi est le chef suprême de l´Etat ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d´alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d´administration publique, et fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l´exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes ni dispenser de leur exécution. – Toutefois aucune troupe étrangère ne pourra être admise au service de l´Etat qu´en vertu d´une loi.

ART. 14. – La puissance législative s´exerce collectivement par le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés.

ART. 15. – La proposition des lois appartient au roi, à la Chambre des pairs et à la Chambre des députés. – Néanmoins toute loi d´impôt doit être d´abord votée par la Chambre des députés.

ART. 16. – Toute loi doit être discutée et votée librement par la majorité de chacune des deux Chambres.

ART. 17. – Si une proposition de loi a été rejetée par l´un des trois pouvoirs, elle ne pourra être représentée dans la même session.

ART. 18. – Le roi seul sanctionne et promulgue les lois.

ART. 19. – La liste civile est fixée pour toute la durée du règne par la première législature assemblée depuis l´avènement du roi. 

De la Chambre des pairs

ART. 20. – La Chambre des pairs est une portion essentielle de la puissance législative.

ART. 21. – Elle est convoquée par le roi en même temps que la Chambre des députés. La session de l´une commence et finit en même temps que celle de l´autre.

ART. 22. – Toute assemblée de la Chambre des pairs qui serait tenue hors du temps de la session de la Chambre des députés, est illicite et nulle de plein droit, sauf le seul cas où elle est réunie comme cour de justice, et alors elle ne peut exercer que des fonctions judiciaires.

ART. 23. – La nomination des pairs de France appartient au roi. Leur nombre est illimité : il peut en varier les dignités, les nommer à vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté.

ART. 24. – Les pairs ont entrée dans la Chambre à vingt-cinq ans, et voix délibérative à trente ans seulement.

ART. 25. – La Chambre des pairs est présidée par le chancelier de France, et, en son absence, par un pair nommé par le roi.

ART. 26. – Les princes du sang sont pairs par droit de naissance : ils siègent immédiatement après le président.

ART. 27. – Les séances de la Chambre des pairs sont publiques, comme celles de la Chambre des députés.

ART. 28. – La Chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l´Etat, qui seront définis par la loi.

ART. 29. – Aucun pair ne peut être arrêté que de l´autorité de la Chambre et jugé que par elle en matière criminelle. 

De la Chambre des députés

ART. 30. – La Chambre des députés sera composée des députés élus par les collèges électoraux dont l´organisation sera déterminée par des lois.

ART. 31. – Les députés sont élus pour cinq ans.

ART. 32. – Aucun député ne peut être admis dans la Chambre, s´il n´est âgé de trente ans et s´il ne réunit les autres conditions déterminées par la loi.

ART. 33. – Si néanmoins il ne se trouvait pas dans le département cinquante personnes de l´âge indiqué payant le cens d´éligibilité déterminé par la loi, leur nombre sera complété par les plus imposés au-dessous du taux de ce cens, et ceux-ci pourront être élus concurremment avec les premiers.

ART. 34. – Nul n´est électeur, s´il a moins de vingt-cinq ans, et s´il ne réunit les autres conditions déterminées par la loi.

ART. 35. – Les présidents des collèges électoraux sont nommés par les électeurs.

ART. 36. – La moitié au moins des députés sera choisie parmi les éligibles qui ont leur domicile dans le département.

ART. 37. – Le président de la Chambre des députés est élu par elle à l´ouverture de chaque session.

ART. 38. – Les séances de la Chambre sont publiques mais la demande de cinq membres suffit pour qu´elle se forme en Comité secret.

ART. 39. – La Chambre se partage en bureaux pou discuter les projets qui lui ont été présentés de la part du roi.

ART. 40. – Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s´il n´a été consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi.

ART. 41. – L´impôt foncier n´est consenti que pour un an. Les impositions indirectes peuvent l´être pour plusieurs années.

ART. 42. – Le roi convoque chaque année les deux Chambres : il les proroge et peut dissoudre celle des députés ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois.

ART. 43. – Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de la Chambre durant la session et dans les six semaines qui l´auront précédée ou suivie.

ART. 44. – Aucun membre de la Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu´après que la Chambre a permis sa poursuite.

ART. 45. – Toute pétition à l´une ou à l´autre des Chambres ne peut être faite et présentée que par écrit : la loi interdit d´en apporter en personne et à la barre. 

Des ministres

ART. 46. – Les ministres peuvent être membres de la Chambre des pairs ou de la Chambre des députés. – Ils ont en outre leur entrée dans l´une ou l´autre Chambre et doivent être entendus quand ils le demandent.

ART. 47. – La Chambre des députés a le droit d´accuser les ministres et de les traduire devant la Chambre des pairs qui seule a celui de les juger. 

De l´Ordre judiciaire

ART. 48. – Toute justice émane du roi ; elle s´administre en son nom par des juges qu´il nomme et qu´il institue.

ART. 49. – Les juges nommés par le roi sont inamovibles.

ART. 50. – Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus. Il n´y sera rien changé qu´en vertu d´une loi.

ART. 51. – L´institution actuelle des juges de commerce est conservée.

ART. 52. – La justice de paix est également conservée. Les juges de paix, quoique nommés par le roi, ne sont point inamovibles.

ART. 53. – Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels.

ART. 54. – Il ne pourra en conséquence être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce puisse être.

ART. 55. – Les débats seront publics en matière criminelle, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l´ordre et les moeurs ; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

ART. 56. – L´institution des jurés est conservée. Les changements qu´une plus longue expérience ferait juger nécessaires, ne peuvent être effectués que par une loi.

ART. 57. – La peine de la confiscation des biens est abolie et ne pourra pas être rétablie.

ART. 58. – Le roi a le droit de faire grâce et celui de commuer les peines.

ART. 59. – Le Code civil et les lois actuellement existantes qui ne sont pas contraires à la présente charte restent en vigueur jusqu´à ce qu´il y soit légalement dérogé. 

Droits particuliers garantis par l´Etat

ART. 60. – Les militaires en activité de service, les officiers et soldats en retraite, les veuves, les officiers, et soldats pensionnés, conserveront leurs grades, honneurs et pensions.

ART. 61. – La dette publique est garantie. Toute espèce d´engagement pris par l´Etat avec ses créanciers est inviolable.

ART. 62. – La noblesse ancienne reprend ses titres, la nouvelle conserve les siens. Le roi fait des nobles à volonté ; mais il ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la société.

ART. 63. – La Légion d´honneur est maintenue. Le roi déterminera les règlements intérieurs et la décoration.

ART. 64. – Les colonies sont régies par des lois particulières.

ART. 65. – Le roi et ses successeurs jureront à leur avènement, en présence des Chambres réunies, d´observer fidèlement la Charte constitutionnelle.

ART. 66. – La présente Charte et tous les droits qu´elle consacre demeurent confiés au patriotisme et au courage des gardes nationales et de tous les citoyens français.

ART. 67. – La France reprend ses couleurs. A l´avenir, il ne sera plus porté d´autre cocarde que la cocarde tricolore. 

Dispositions particulières

ART. 68. – Toutes les nominations et créations nouvelles de pairs faites sous le règne du roi Charles X sont déclarées nulles et non avenues. – L´article 23 de la charte sera soumis à un nouvel examen dans la session de 1831.

ART. 69. – Il sera pourvu successivement par des lois séparées et dans le plus court délai possible aux objets qui suivent : 1° L´application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques ; 2° La responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ; 3° La réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées ; 4° Le vote annuel du contingent de l´armée ; 5° L´organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers ; 6° Des dispositions qui assurent d´une manière légale l´état des officiers de tout grade de terre et de mer ; 7° Des institutions départementales et municipales fondées sur un système électif ; 8° L´instruction publique et la liberté de l´enseignements ; 9° L´abolition du double vote et la fixation des conditions électorales et d´éligibilité.

ART. 70. – Toutes les lois et ordonnances, en ce qu´elles ont de contraire aux dispositions adoptées pour la réforme de la Charte, sont dès à présent et demeurent annulées et abrogées.

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3. La charte constitutionnelle du 4 novembre 1848

Préambule
Constitution
CHAPITRE PREMIER : DE LA SOUVERAINETÉ
CHAPITRE II : DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION
CHAPITRE III : DES POUVOIRS PUBLICS
CHAPITRE IV : DU POUVOIR LÉGISLATIF
CHAPITRE V : DU POUVOIR EXÉCUTIF
CHAPITRE VI : DU CONSEIL D´ÉTAT
CHAPITRE VII : DE L´ADMINISTRATION INTÉRIEURE
CHAPITRE VIII : DU POUVOIR JUDICIAIRE
CHAPITRE IX : DE LA FORCE PUBLIQUE
CHAPITRE X : DISPOSITIONS PARTICULIERES
CHAPITRE XI : DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION
CHAPITRE XII : DISPOSITIONS TRANSITOIRES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, L´ASSEMBLEE NATIONALE a adopté, et, conformément à l´article 6 du décret du 28 octobre 1848, le Président de l´Assemblée nationale promulgue la CONSTITUTION dont la teneur suit : 

Préambule
En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l´Assemblée nationale proclame :

I. – La France s´est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s´est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d´assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d´augmenter l´aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l´action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.

II. – La République française est démocratique, une et indivisible.

III. – Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.

IV. – Elle a pour principe la Liberté, l´Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l´Ordre public.

V. – Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n´entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n´emploie jamais ses forces contre la liberté d´aucun peuple.

VI. – Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens.

VII. – Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l´Etat en proportion de leur fortune ; ils doivent s´assurer, par le travail, des moyens d´existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l´avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s´entraidant fraternellement les uns les autres, et à l´ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l´individu.

VIII. – La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l´instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l´existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d´état de travailler. – En vue de l´accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l´Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu´il suit, la Constitution de la République. 

Constitution 

CHAPITRE PREMIER

DE LA SOUVERAINETÉ

ARTICLE PREMIER. – La souveraineté réside dans l´universalité des citoyens français. – Elle est inaliénable et imprescriptible. – Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut s´en attribuer l´exercice. 

CHAPITRE II

DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION

ART. 2. – Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi.

ART. 3. – La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable ; il n´est permis d´y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi.

ART. 4. – Nul ne sera distrait de ses juges naturels. – Il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit.

ART. 5. – La peine de mort est abolie en matière politique.

ART. 6. – L´esclavage ne peut exister sur aucune terre française.

ART. 7. – Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l´Etat, pour l´exercice de son culte, une égale protection. – Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l´avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l´Etat.

ART. 8. – Les citoyens ont le droit de s´associer, de s´assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. – L´exercice de ces droits n´a pour limites que les droits ou la liberté d´autrui et la sécurité publique. – La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure.

ART. 9. – L´enseignement est libre. – La liberté d´enseignement s´exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l´Etat. – Cette surveillance s´étend à tous les établissements d´éducation et d´enseignement, sans aucune exception.

ART. 10. – Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les lois. – Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de caste.

ART. 11. – Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l´Etat peut exiger le sacrifice d´une propriété pour cause d´utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste et préalable indemnité.

ART. 12. – La confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie.

ART. 13. – La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l´industrie. La société favorise et encourage le développement du travail par l´enseignement primaire gratuit, l´éducation professionnelle, l´égalité de rapports, entre le patron et l´ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l´établissement, par l´Etat, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés ; elle fournit l´assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir.

ART. 14. – La dette publique est garantie. – Toute espèce d´engagement pris par l´Etat avec ses créanciers est inviolable.

ART. 15. – Tout impôt est établi pour l´utilité commune. – Chacun y contribue en proportion de ses facultés et de sa fortune.

ART. 16. – Aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu´en vertu de la loi.

ART. 17. – L´impôt direct n´est consenti que pour un an. – Les impositions indirectes peuvent être consenties pour plusieurs années. 

CHAPITRE III

DES POUVOIRS PUBLICS

ART. 18. – Tous les pouvoirs publics, quels qu´ils soient, émanent du peuple. – Ils ne peuvent être délégués héréditairement.

ART. 19. – La séparation des pouvoirs est la première condition d´un gouvernement libre.

CHAPITRE IV

DU POUVOIR LÉGISLATIF

ART. 20. – Le peuple français délègue le pouvoir législatif à une Assemblée unique.

ART. 21. – Le nombre total des représentants du peuple sera de sept cent cinquante, y compris les représentants de l´Algérie et des colonies françaises.

ART. 22. – Ce nombre s´élèvera à neuf cents pour les Assemblées qui seront appelées à réviser la Constitution.

ART. 23. – L´élection a pour base la population.

ART. 24. – Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.

ART. 25. – Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et politiques.

ART. 26. – Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de vingt-cinq ans.

ART. 27. – La loi électorale déterminera les causes qui peuvent priver un citoyen français du droit d´élire et d´être élu. – Elle désignera les citoyens qui, exerçant ou ayant exercé des fonctions dans un département ou un ressort territorial, ne pourront y être élus.

ART. 28. – Toute fonction publique rétribuée est incompatible avec le mandat de représentant du peuple. – Aucun membre de l´Assemblée nationale ne peut, pendant la durée de la législature, être nommé ou promu à des fonctions publiques salariées dont les titulaires sont choisis à volonté par le pouvoir exécutif. – Les exceptions aux dispositions des deux paragraphes précédents seront déterminés par la loi électorale organique.

ART. 29. – Les dispositions de l´article précédent ne sont pas applicables aux assemblées élues pour la révision de la Constitution.

ART. 30. – L´élection des représentants se fera par département, et au scrutin de liste. – Les électeurs voteront au chef-lieu du canton ; néanmoins, en raison des circonstances locales, le canton pourra être divisé en plusieurs circonscriptions, dans la forme et aux conditions qui seront déterminées par la loi électorale.

ART. 31. – L´Assemblée nationale est élue pour trois ans, et se renouvelle intégralement. – Quarante-cinq jours au plus tard avant la fin de la législature, une loi détermine l´époque des nouvelles élections. – Si aucune loi n´est intervenue dans le délai fixé par le paragraphe précédent, les électeurs se réunissent de plein droit le trentième jour qui précède la fin de la législature. – La nouvelle Assemblée est convoquée de plein droit pour le lendemain du jour où finit le mandat de l´Assemblée précédente.

ART. 32. – Elle est permanente. – Néanmoins, elle peut s´ajourner à un terme qu´elle fixe. – Pendant la durée de la prorogation, une commission, composée des membres du bureau et de vingt-cinq représentants nommés par l´Assemblée au scrutin secret et à la majorité absolue, a le droit de la convoquer en cas d´urgence. – Le président de la République a aussi le droit de convoquer l´Assemblée. – L´Assemblée nationale détermine le lieu de ses séances. – Elle fixe l´importance des forces militaires établies pour sa sûreté, et elle en dispose.

ART. 33. – Les représentants sont toujours rééligibles.

ART. 34. – Les membres de l´Assemblée nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la France entière.

ART. 35. – Ils ne peuvent recevoir de mandat impératif.

ART. 36. – Les représentants du peuple sont inviolables. – Ils ne pourront être recherchés, accusés, ni jugés, en aucun temps, pour les opinions qu´ils auront émises dans le sein de l´Assemblée nationale.

ART. 37. – Ils ne peuvent être arrêtés en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivis qu´après que l´Assemblée a permis la poursuite. – En cas d´arrestation pour flagrant délit, il en sera immédiatement référé à l´Assemblée, qui autorisera ou refusera la continuation des poursuites. Cette disposition s´applique au cas où un citoyen détenu est nommé représentant.

ART. 38. – Chaque représentant du peuple reçoit une indemnité, à laquelle il ne peut renoncer.

ART. 39. – Les séances de l´Assemblée sont publiques. – Néanmoins, l´Assemblée peut se former en comité secret, sur la demande du nombre de représentants fixé par le règlement. – Chaque représentant a le droit d´initiative parlementaire ; il l´exercera selon les formes déterminées par le règlement.

ART. 40. – La présence de la moitié plus un des membres de l´Assemblée est nécessaire pour la validité du vote des lois.

ART. 41. – Aucun projet de loi, sauf les cas d´urgence, ne sera voté définitivement qu´après trois délibérations, à des intervalles qui ne peuvent pas être moindres de cinq jours.

ART. 42. – Toute proposition ayant pour objet de déclarer l´urgence est précédée d´un exposé des motifs. – Si l´Assemblée est d´avis de donner suite à la proposition d´urgence, elle en ordonne le renvoi dans les bureaux et fixe le moment où le rapport sur l´urgence lui sera présenté. – Sur ce rapport, si l´Assemblée reconnaît l´urgence, elle le déclare, et fixe le moment de la discussion. – Si elle décide qu´il n´y a pas urgence, le projet suit le cours des propositions ordinaires. 

CHAPITRE V

DU POUVOIR EXÉCUTIF

ART. 43 – Le peuple français délègue le Pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre de président de la République.

ART. 44. – Le président doit être né Français, âgé de trente ans au moins, et n´avoir jamais perdu la qualité de Français.

ART. 45. – Le président de la République est élu pour quatre ans, et n´est rééligible qu´après un intervalle de quatre années. – Ne peuvent, non plus, être élus après lui, dans le même intervalle, ni le vice-président, ni aucun des parents ou alliés du président jusqu´au sixième degré inclusivement.

ART. 46. – L´élection a lieu de plein droit le deuxième dimanche du mois de mai. – Dans le cas où, par suite de décès, de démission ou de toute autre cause, le président serait élu à une autre époque, ses pouvoirs expireront le deuxième dimanche du mois de mai de la quatrième année qui suivra son élection. – Le président est nommé, au scrutin secret et à la majorité absolue des votants, par le suffrage direct de tous les électeurs des départements français et de l´Algérie.

ART. 47. – Les procès-verbaux des opérations électorales sont transmis immédiatement à l´Assemblée nationale, qui statue sans délai sur la validité de l´élection et proclame le président de la République. – Si aucun candidat n´a obtenu plus de la moitié des suffrages exprimés, et au moins deux millions de voix, ou si les conditions exigées par l´article 44 ne sont pas remplies, l´Assemblée nationale élit le président de la République, à la majorité absolue et au scrutin secret, parmi les cinq candidats éligibles qui ont obtenu le plus de voix.

ART. 48. – Avant d´entrer en fonctions, le président de la République prête au sein de l´Assemblée nationale le serment dont la teneur suit : – En présence de Dieu et devant le Peuple français, représenté par l´Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m´impose la Constitution.

ART. 49. – Il a le droit de faire présenter des projets de loi à l´Assemblée nationale par les ministres. – Il surveille et assure l´exécution des lois.

ART. 50. – Il dispose de la force armée, sans pouvoir jamais la commander en personne.

ART. 51. – Il ne peut céder aucune portion du territoire, ni dissoudre ni proroger l´Assemblée nationale, ni suspendre, en aucune manière, l´empire de la Constitution et des lois.

ART. 52. – Il présente, chaque année, par un message, à l´Assemblée nationale, l´exposé de l´état général des affaires de la République.

ART. 53. – Il négocie et ratifie les traités. – Aucun traité n´est définitif qu´après avoir été approuvé par l´Assemblée nationale.

ART. 54. – Il veille à la défense de l´Etat, mais il ne peut entreprendre aucune guerre sans le consentement de l´Assemblée nationale.

ART. 55. – Il a le droit de faire grâce, mais il ne peut exercer ce droit qu´après avoir pris l´avis du Conseil d´Etat. – Les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. – Le président de la République, les ministres, ainsi que toutes autres personnes condamnées par la Haute Cour de justice, ne peuvent être graciés que par l´Assemblée nationale.

ART. 56. – Le président de la République promulgue les lois au nom du peuple français.

ART. 57. – Les lois d´urgence sont promulguées dans le délai de trois jours, et les autres lois dans le délai d´un mois, à partir du jour où elles auront été adoptées par l´Assemblée nationale.

ART. 58. – Dans le délai fixé pour la promulgation, le président de la République peut, par un message motivé, demander une nouvelle délibération. – L´Assemblée délibère : sa résolution devient définitive ; elle est transmise au président de la République. – En ce cas, la promulgation a lieu dans le délai fixé pour les lois d´urgence.

ART. 59. – A défaut de promulgation par le président de la République, dans les délais déterminés par les articles précédents, il y serait pourvu par le président de l´Assemblée nationale.

ART. 60. – Les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès du président de la République.

ART. 61. – Il préside aux solennités nationales.

ART. 62. – Il est logé aux frais de la République, et reçoit un traitement de six cent mille francs par an.

ART. 63. – Il réside au lieu où siège l´Assemblée nationale, et ne peut sortir du territoire continental de la République sans y être autorisé par une loi.

ART. 64. – Le président de la République nomme et révoque les ministres. – Il nomme et révoque, en Conseil des Ministres, les agents diplomatiques, les commandants en chef des armées de terre et de mer, les préfets, le commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, les gouverneurs de l´Algérie et des colonies, les procureurs généraux et autres fonctionnaires d´un ordre supérieurs – Il nomme et révoque, sur la proposition du ministre compétent, dans les conditions réglementaires déterminées par la loi, les agents secondaires du gouvernement.

ART. 65. – Il a le droit de suspendre, pour un terme qui ne pourra excéder trois mois, les agents du pouvoir exécutif élus par les citoyens. – Il ne peut les révoquer que de l´avis du Conseil d´Etat. – La loi détermine les cas où les agents révoqués peuvent être déclarés inéligibles aux mêmes fonctions. – Cette déclaration d´inéligibilité ne pourra être prononcée que par un jugement.

ART. 66. – Le nombre des ministres et leurs attributions sont fixés par le pouvoir législatif.
ART. 67. – Les actes du président de la République, autres que ceux par lesquels il nomme et révoque les ministres, n´ont d´effet que s´ils sont contresignés par un ministre.

ART. 68. – Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l´autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l´administration. – Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l´Assemblée nationale, la proroge ou met obstacle à l´exercice de son mandat, est un crime de haute trahison. – Par ce seul fait, le président est déchu de ses fonctions ; les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance ; le pouvoir exécutif passe de plein droit à l´Assemblée nationale. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent immédiatement à peine de forfaiture : ils convoquent les jurés dans le lieu qu´ils désignent, pour procéder au jugement du président et de ses complices ; ils nomment eux-mêmes les magistrats chargés de remplir les fonctions du ministère public. – Une loi déterminera les autres cas de responsabilité, ainsi que les formes et les conditions de la poursuite.

ART. 69. – Les ministres ont entrée dans le sein de l´Assemblée nationale ; ils sont entendus toutes les fois qu´ils le demandent, et peuvent se faire assister par des commissaires nommés par un décret du président de la République.

ART. 70. – Il y a un vice-président de la République nommé par l´Assemblée nationale, sur la présentation de trois candidats faite par le président dans le mois qui suit son élection. – Le vice-président prête le même serment que le président. – Le vice-président ne pourra être choisi parmi les parents et alliés du président jusqu´au sixième degré inclusivement. – En cas d´empêchement du président, le vice-président le remplace. – Si la présidence devient vacante, par décès, démission du président, ou autrement, il est procédé, dans le mois, à l´élection d´un président. 

CHAPITRE VI

DU CONSEIL D´ÉTAT

ART. 71. – Il y aura un Conseil d´Etat, dont le vice-président de la République sera de droit président.

ART. 72. – Les membres de ce Conseil sont nommés pour six ans par l´Assemblée nationale. Ils sont renouvelés par moitié, dans les deux premiers mois de chaque législature, au scrutin secret et à la majorité absolue. – Ils sont indéfiniment rééligibles.

ART. 73. – Ceux des membres du Conseil d´Etat qui auront été pris dans le sein de l´Assemblée nationale seront immédiatement remplacés comme représentants du peuple.

ART. 74. – Les membres du Conseil d´Etat ne peuvent être révoqués que par l´Assemblée, et sur la proposition du président de la République.

ART. 75. – Le Conseil d´Etat est consulté sur les projets de loi du Gouvernement qui, d´après la loi, devront être soumis à son examen préalable, et sur les projets d´initiative parlementaire que l´Assemblée lui aura renvoyés. – Il prépare les règlements d´administration publique ; il fait seul ceux de ces règlements à l´égard desquels l´Assemblée nationale lui a donné une délégation spéciale. – Il exerce, à l´égard des administrations publiques, tous les pouvoirs de contrôle et de surveillance qui lui sont déférés par la loi. – La loi règlera ses autres attributions. 

CHAPITRE VII

DE L´ADMINISTRATION INTÉRIEURE

ART. 76. – La division du territoire en départements, arrondissements, cantons et communes est maintenue. Les circonscriptions actuelles ne pourront être changées que par la loi.

ART. 77. – Il y a : 1° Dans chaque département, une administration composée d´un préfet, d´un conseil général, d´un conseil de préfecture ; 2° Dans chaque arrondissement, un sous-préfet ; 3° Dans chaque canton, un conseil cantonal ; néanmoins, un seul conseil cantonal sera établi dans les villes divisées en plusieurs cantons ; 4° Dans chaque commune, une administration, composée d´un maire, d´adjoints et d´un conseil municipal.

ART. 78. – Une loi déterminera la composition et les attributions des conseils généraux, des conseils cantonaux, des conseils municipaux, et le mode de nomination des maires et des adjoints.

ART. 79. – Les conseils généraux et les conseils municipaux sont élus par le suffrage direct de tous les citoyens domiciliés dans le département ou dans la commune. Chaque canton élit un membre du conseil général. – Une loi spéciale réglera le mode d´élection dans le département de la Seine, dans la ville de Paris et dans les villes de plus de vingt mille âmes.

ART. 80. – Les conseils généraux, les conseils cantonaux et les conseils municipaux peuvent être dissous par le président de la République, de l´avis du Conseil d´Etat. – La loi fixera le délai dans lequel il sera procédé à la réélection. 

CHAPITRE VIII

DU POUVOIR JUDICIAIRE

Art. 81. — La justice est rendue gratuitement au nom du peuple français. — Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l´ordre ou les moeurs ; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

Art. 82. — Le jury continuera d´être appliqué en matière criminelle.

Art. 83. — La connaissance de tous les délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse appartient exclusivement au jury. — Les lois organiques détermineront la compétence en matière de délits d´injures et de diffamation contre les particuliers.

Art. 84. — Le jury statue seul sur les dommages-intérêts réclamés pour faits ou délits de presse.

Art. 85. — Les juges de paix et leurs suppléants, les juges de première instance et d´appel, les membres de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, sont nommés par le président de la République, d´après un ordre de candidature ou d´après les conditions qui seront réglées par les lois organiques.

Art. 86. — Les magistrats du ministère public sont nommés par le président de la République.

Art. 87. — Les juges de première instance et d´appel, les membres de la Cour de cassation, et de la Cour des comptes, sont nommés à vie. — Ils ne peuvent être révoqués ou suspendus que par un jugement, ni mis à la retraite que pour les causes et dans les formes déterminées par les lois.

Art. 88. — Les conseils de guerre et de révision des armées de terre et de mer, les tribunaux maritimes, les tribunaux de commerce, les prud´hommes et autres tribunaux spéciaux, conservent leur organisation et leurs attributions actuelles jusqu´à ce qu´il y ait été dérogé par une loi.

Art. 89. — Les conflits d´attributions entre l´autorité administrative et l´autorité judiciaire seront réglés par un tribunal spécial de membres de la Cour de cassation et de conseillers d´Etat, désignés tous les trois ans en nombre égal par leur corps respectif. — Ce tribunal sera présidé par le ministre de la Justice.

Art. 90. — Les recours pour incompétence et excès de pouvoirs contre les arrêts de la Cour des comptes seront portés devant la juridiction des conflits.

Art. 91. — Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par l´Assemblée nationale contre le président de la République ou les ministres. — Elle juge également toutes personnes prévenues de crimes, attentats ou complots contre la sûreté intérieure ou extérieure de l´Etat, que l´Assemblée nationale aura renvoyées devant elle. — Sauf le cas prévu par l´article 68, elle ne peut être saisie qu´en vertu d´un décret de l´Assemblée nationale, qui désigne la ville où la Cour tiendra ses séances.

Art. 92. — La Haute Cour est composée de cinq juges et de trente-six jurés. — Chaque année, dans les quinze premiers jours du mois de novembre, la Cour de cassation nomme, parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue, les juges de la Haute Cour, au nombre de cinq, et deux suppléants. Les cinq juges appelés à siéger feront choix de leur président. — Les magistrats remplissant les fonctions du ministère public sont désignés par le président de la République, et, en cas d´accusation du président ou des ministres, par l´Assemblée nationale. — Les jurés, au nombre de trente-six, et quatre jurés suppléants, sont pris parmi les membres des conseils généraux des départements. — Les représentants du peuple n´en peuvent faire partie.

Art. 93. — Lorsqu´un décret de l´Assemblée nationale a ordonné la formation de la Haute Cour de justice, et, dans le cas prévu par l´article 68, sur la réquisition du président ou de l´un des juges, le président de la cour d´appel et, à défaut de cour d´appel, le président du tribunal de première instance du chef-lieu judiciaire du département, tire au sort, en audience publique, le nom d´un membre du conseil général.

Art. 94. — Au jour indiqué pour le jugement, s´il y a moins de soixante jurés présents, ce nombre sera complété par des jurés supplémentaires tirés au sort, par le président de la Haute Cour parmi les membres du conseil général du département où siégera la Cour.

Art. 95. — Les jurés qui n´auront pas produit d´excuse valable seront condamnés à une amende de mille à dix mille francs, et à la privation des droits politiques pendant cinq ans au plus.

Art. 96. — L´accusé et le ministère public exercent le droit de récusation comme en matière ordinaire.

Art. 97. — La déclaration du jury portant que l´accusé est coupable ne peut être rendue qu´à la majorité des deux tiers des voix.

Art. 98. — Dans tous les cas de responsabilités des ministres, l´Assemblée nationale peut, selon les circonstances, renvoyer le ministre inculpé, soit devant la Haute Cour de justice, soit devant les tribunaux ordinaires, pour les réparations civiles.

Art. 99. — L´Assemblée nationale et le président de la République peuvent, dans tous les cas, déférer l´examen des actes de tout fonctionnaire, autre que le président de la République, au Conseil d´Etat, dont le rapport est rendu public.

Art. 100. — Le président de la République n´est justiciable que de la Haute Cour de justice. — Il ne peut, à l´exception du cas prévu par l´article 68, être poursuivi que sur l´accusation portée par l´Assemblée nationale, et pour crimes et délits qui seront déterminés par la loi. 

CHAPITRE IX

DE LA FORCE PUBLIQUE

Art. 101. — La force publique est instituée pour défendre l´Etat contre les ennemis du dehors, et pour assurer au-dedans le maintien de l´ordre et l´exécution des lois. — Elle se compose de la garde nationale et de l´armée de terre et de mer.

Art. 102. — Tout Français, sauf les exceptions fixées par la loi, doit le service militaire et celui de la garde nationale. — La faculté pour chaque citoyen de se libérer du service militaire personnel sera réglée par la loi du recrutement.

Art. 103. — L´organisation de la garde nationale et la Constitution de l´armée seront réglées par la loi.

Art. 104. — La force publique est essentiellement obéissante. — Nul corps armé ne peut délibérer.

Art. 105. — La force publique, employée pour maintenir l´ordre à l´intérieur, n´agit que sur la réquisition des autorités constituées, suivant les règles déterminées par le pouvoir législatif.

Art. 106. — Une loi déterminera les cas dans lesquels l´état de siège pourra être déclaré, et réglera les formes et les effets de cette mesure.

Art. 107. — Aucune troupe étrangère ne peut être introduite sur le territoire français sans le consentement préalable de l´Assemblée nationale. 

CHAPITRE X

DISPOSITIONS PARTICULIERES

Art. 108. — La Légion d´honneur est maintenue ; ses statuts seront révisés et mis en harmonie avec la Constitution.

Art. 109. — Le territoire de l´Algérie et des colonies est déclaré territoire français, et sera régi par des lois particulières jusqu´à ce qu´une loi spéciale les place sous le régime de la présente Constitution.

Art. 110. — L´Assemblée nationale confie le dépôt de la présente Constitution, et des droits qu´elle consacre, à la garde et au patriotisme de tous les Français. 

CHAPITRE XI

DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION

Art. 111. — Lorsque, dans la dernière année d´une législature, l´Assemblée nationale aura émis le voeu que la Constitution soit modifiée en tout ou en partie, il sera procédé à cette révision de la manière suivante : — Le voeu exprimé par l´Assemblée ne sera converti en résolution définitive qu´après trois délibérations consécutives, prises chacune à un mois d´intervalle et aux trois quarts des suffrages exprimés. Le nombre des votants devra être de cinq cents au moins. — L´Assemblée de révision ne sera nommée que pour trois mois. — Elle ne devra s´occuper que de la révision pour laquelle elle aura été convoquée. — Néanmoins, elle pourra, en cas d´urgence, pourvoir aux nécessités législatives. 

CHAPITRE XII

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Art. 112. — Les dispositions des codes, lois et règlements existants qui ne sont pas contraires à la présente Constitution, restent en vigueur jusqu´à ce qu´il y soit légalement dérogé.

Art. 113. — Toutes les autorités constituées par les lois actuelles demeurent en exercice jusqu´à la promulgation des lois organiques qui les concernent.

Art. 114. — La loi d´organisation judiciaire déterminera le mode spécial de nomination pour la première composition des nouveaux tribunaux.

Art. 115. — Après le vote de la Constitution, il sera procédé, par l´Assemblée nationale constituante, à la rédaction des lois organiques dont l´énumération sera déterminée par une loi spéciale.

Art. 116. — Il sera procédé à la première élection du président de la République conformément à la loi spéciale rendue par l´Assemblée nationale le 28 octobre 1848.

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4. La Constitution du 14 janvier 1852 et ses modifications 

Proclamation du 14 janvier 1852

Louis Napoléon, Président de la République, au peuple Français.

Français !

Lorsque, dans ma proclamation du 2 décembre, je vous exprimai loyalement quelles étaient, à mon sens, les conditions vitales du Pouvoir en France, je n´avais pas la prétention, si commune de nos jours, de substituer une théorie personnelle à l´expérience des siècles. J´ai cherché, au contraire, quels étaient dans le passé les exemples les meilleurs à suivre, quels hommes les avaient donnés, et quel bien en était résulté.

Dès lors, j´ai cru logique de préférer les préceptes du génie aux doctrines spécieuses d´hommes à idées abstraites. J´ai pris comme modèle les institutions politiques qui déjà, au commencement de ce siècle, dans des circonstances analogues, ont raffermi la société ébranlée et élevé la France à un haut degré de prospérité et de grandeur.

J´ai pris comme modèle les institutions qui, au lieu de disparaître au premier souffle des agitations populaires, n´ont été renversées que par l´Europe entière coalisée contre nous.

En un mot, je me suis dit : puisque la France ne marche depuis cinquante ans qu´en vertu de l´organisation administrative, militaire, judiciaire, religieuse, financière, du Consulat et de l´Empire, pourquoi n´adopterions-nous pas aussi les institutions politiques de cette époque ? Créées par la même pensée, elles doivent porter en elles le même caractère de nationalité et d´utilité pratique.

En effet, ainsi que je l´ai rappelé dans ma proclamation, notre société actuelle, il est essentiel de le constater, n´est pas autre chose que la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l´Empereur. Il ne reste plus rien de l´Ancien Régime que de grands souvenirs et de grands bienfaits. Mais tout ce qui alors était organisé a été détruit par la Révolution, et tout ce qui a été organisé depuis la Révolution et qui existe encore l´a été par Napoléon.

Nous n´avons plus ni provinces, ni pays d´Etat, ni parlements, ni intendants, ni fermiers généraux, ni coutumes diverses, ni droits féodaux, ni classes privilégiées en possession exclusive des emplois civils et militaires, ni juridictions religieuses différentes.

A tant de choses incompatibles avec elle, la Révolution avait fait subir une réforme radicale, mais elle n´avait rien fondé de définitif. Seul, le Premier consul rétablit l´unité, la hiérarchie et les véritables principes du gouvernement. Ils sont encore en vigueur.

Ainsi, l´administration de la France confiée à des préfets, à des sous-préfets, à des maires, qui substituaient l´unité aux commissions directoriales ; la décision des affaires, au contraire, donnée à des conseils, depuis la commune jusqu´au département. Ainsi, la magistrature affermie par l´inamovibilité des juges, par la hiérarchie des tribunaux ; la justice rendue plus facile par la délimitation des attributions, depuis la justice de paix jusqu´à la Cour de cassation. Tout cela est encore debout.

De même, notre admirable système financier, la Banque de France, l´établissement des budgets, la Cour des comptes, l´organisation de la police, nos règlements militaires datent de cette époque.

Depuis cinquante ans, c´est le Code Napoléon qui règle les intérêts des citoyens entre eux ; c´est encore le Concordat qui règle les rapports de l´Etat avec l´Eglise.

Enfin la plupart des mesures qui concernent les progrès de l´industrie, du commerce, des lettres, des sciences, des arts, depuis les règlements du Théâtre-Français jusqu´à ceux de l´Institut, depuis l´institution des prud´hommes jusqu´à la création de la Légion d´honneur, ont été fixées par les décrets de ce temps.

On peut donc l´affirmer, la charpente de notre édifice social est l´oeuvre de l´Empereur, et elle a résisté à sa chute et à trois révolutions.

Pourquoi, avec la même origine, les institutions politiques n´auraient-elles pas les mêmes chances de durée ?

Ma conviction était formée depuis longtemps, et c´est pour cela que j´ai soumis à votre jugement les bases principales d´une constitution empruntée à celle de l´an VIII. Approuvées par vous, elles vont devenir le fondement de notre Constitution politique.

Examinons quel en est l´esprit :

Dans notre pays, monarchique depuis huit cents ans, le pouvoir central a toujours été en s´augmentant. La royauté a détruit les grands vassaux ; les révolutions elles-mêmes ont fait disparaître les obstacles qui s´opposaient à l´exercice rapide et uniforme de l´autorité. Dans ce pays de centralisation, l´opinion publique a sans cesse tout rapporté au chef du gouvernement, le bien comme le mal. Aussi, écrire en tête d´une charte que ce chef est irresponsable, c´est mentir au sentiment public, c´est vouloir établir une fonction qui s´est trois fois évanouie au bruit des révolutions.

La Constitution actuelle proclame, au contraire, que le chef que vous avez élu est responsable devant vous ; qu´il a toujours le droit de faire appel à votre jugement souverain, afin que, dans les circonstances solennelles, vous puissiez lui continuer ou lui retirer votre confiance.

Etant responsable, il faut que son action soit libre et sans entraves. De là l´obligation d´avoir des ministres qui soient les auxiliaires honorés et puissants de sa pensée, mais qui ne forment plus un Conseil responsable, composé de membres solidaires, obstacle journalier à l´impulsion particulière du chef de l´Etat, expression d´une politique émanée des Chambres, et par là même exposée à des changements fréquents, qui empêchent tout esprit de suite, toute application d´un système régulier.

Néanmoins, plus un homme est haut placé, plus il est indépendant, plus la confiance que le Peuple a mise en lui est grande, plus il a besoin de conseils éclairés, consciencieux. De là la création d´un Conseil d´Etat, désormais véritable Conseil du gouvernement, premier rouage de notre organisation nouvelle, réunion d´hommes pratiques élaborant les projets de loi dans des commission spéciales, les discutant à huis clos, sans ostentation oratoire, en assemblée générale, et les présentant ensuite à l´acceptation du Corps législatif.

Ainsi le pouvoir est libre dans ses mouvements, éclairé dans sa marche.

Quel sera maintenant le contrôle exercé par les Assemblées ?

Une Chambre, qui prend le titre de Corps législatif, vote les lois et l´impôt. Elle est élue par le suffrage universel, sans scrutin de liste. Le Peuple, choisissant isolément chaque candidat, peut plus facilement apprécier le mérite de chacun d´eux.

La Chambre n´est plus composée que d´environ deux cent soixante membres. C´est là une première garantie du calme des délibérations, car trop souvent on a vu dans les Assemblées la mobilité et l´ardeur des passions croître en raison du nombre.

Le compte rendu des séances qui doit instruire la Nation n´est plus livré, comme autrefois, à l´esprit de parti de chaque journal ; une publication officielle, rédigée par les soins du président de la Chambre, en est seule permise.

Le Corps législatif discute librement la loi, l´adopte ou la repousse ; mais il n´y introduit pas à l´improviste de ces amendements qui dérangent souvent toute l´économie d´un système et l´ensemble du projet primitif. A plus forte raison n´a-t-il pas cette initiative parlementaire qui était la source de si graves abus, et qui permettrait à chaque député de se substituer à tout propos au Gouvernement en présentant les projets les moins étudiés, les moins approfondis.

La Chambre n´étant plus en présence des ministres, et les projets de loi étant soutenus par les orateurs du Conseil d´Etat, le temps ne se perd pas en vaines interpellations, en accusations frivoles, en luttes passionnées dont l´unique but était de renverser les ministres pour les remplacer.

Ainsi donc, les délibérations du Corps législatif seront indépendantes ; mais les causes d´agitations stériles auront été supprimées, des lenteurs salutaires apportées à toute modification de la loi. Les mandataires de la Nation feront mûrement les choses sérieuses.

Une autre Assemblée prend le nom de Sénat. Elle sera composée des éléments qui, dans tout pays, créent les influences légitimes : le nom illustre, la fortune, le talent et les services rendus.

Le Sénat n´est plus, comme la Chambre des pairs, le pâle reflet de la Chambre des députés, répétant, à quelques jours d´intervalle, les mêmes discussions sur un autre ton. Il est le dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la Constitution ; et c´est uniquement sous le rapport des grands principes sur lesquels repose notre société, qu´il examine toutes les lois et qu´il en propose de nouvelles au pouvoir exécutif. Il intervient, soit pour résoudre toute difficulté grave qui pourrait s´élever pendant l´absence du Corps législatif, soit pour expliquer le texte de la Constitution et assurer ce qui est nécessaire à sa marche. Il a le droit d´annuler tout acte arbitraire et illégal, et, jouissant ainsi de cette considération qui s´attache à un corps exclusivement occupé de l´examen de grands intérêts ou de l´application de grands principes, il remplit dans l´Etat le rôle indépendant, salutaire, conservateur, des anciens parlements.

Le Sénat ne sera pas, comme la Chambre des pairs, transformé en Cour de justice : il conservera son caractère de modérateur suprême, car la défaveur atteint toujours les corps politiques lorsque le sanctuaire des législateurs devient un tribunal criminel. L´impartialité du juge est trop souvent mise en doute, et il perd son prestige devant l´opinion, qui va quelquefois jusqu´à l´accuser d´être l´instrument de la passion ou de la haine.

Une Haute Cour de justice, choisie dans la haute magistrature, ayant pour jurés des membres des conseils généraux de toute la France, réprimera seule les attentats contre le chef de l´Etat et la sûreté publique.

L´Empereur disait au Conseil d´Etat : ” Une Constitution est l´oeuvre du temps ; on ne saurait laisser une trop large voie aux améliorations. ” Aussi la Constitution présente n´a-t-elle fixé que ce qu´il était impossible de laisser incertain. Elle n´a pas enfermé dans un cercle infranchissable les destinées d´un grand peuple, elle a laissé aux changements une assez large voie pour qu´il y ait, dans les grandes crises, d´autres moyens de salut que l´expédient désastreux des révolutions.

Le Sénat peut, de concert avec le gouvernement, modifier tout ce qui n´est pas fondamental dans la Constitution ; mais quant aux modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu´après avoir reçu votre ratification.

Ainsi, le Peuple reste toujours maître de sa destinée. Rien de fondamental ne se fait en dehors de sa volonté.

Telles sont les idées, tels sont les principes dont vous m´avez autorisé à faire l´application. Puisse cette constitution donner à notre patrie des jours calmes et prospères ! Puisse-t-elle prévenir le retour de ces luttes intestines où la victoire, quelque légitime qu´elle soit, est toujours chèrement achetée ! Puisse la sanction que vous avez donnée à mes efforts être bénie du ciel ! Alors la paix sera assurée au-dedans et au-dehors, mes voeux seront comblés, ma mission sera accomplis.

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Constitution du 14 janvier 1852 (faite en vertu des pouvoirs délégués par le peuple français à Louis Napoléon Bonaparte par le vote des 20 et 21 décembre 1851)

TITRE PREMIER
TITRE II : Formes du gouvernement de la République
TITRE III : Du président de la République
TITRE IV : Du Sénat
TITRE V : Du Corps législatif
TITRE VI : Du Conseil d´Etat
TITRE VII : De la Haute Cour de justice
TITRE VIII : Dispositions générales et transitoires

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, considérant que le Peuple français a été appelé à se prononcer sur la résolution suivante :

” Le peuple veut le maintien de l´autorité de Louis Napoléon Bonaparte, et lui donne les pouvoirs nécessaires pour faire une Constitution d´après les bases établies dans sa proclamation du 2 décembre ” ;

Considérant que les bases proposées à l´acceptation du Peuple étaient :

” 1° Un chef responsable nommé pour dix ans ;

” 2° Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ;

” 3° Un Conseil d´Etat formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le Corps législatif ;

” 4° Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage Universel sans scrutin de liste qui fausse l´élection ;

” 5° Une seconde Assemblée formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. ”

Considérant que le Peuple a répondu affirmativement par sept millions cinq cent mille suffrages.

PROMULGUE LA CONSTITUTION dont la teneur suit : 

TITRE PREMIER

ARTICLE PREMIER. – La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français. 

TITRE II

Formes du gouvernement de la République

ART. 2. – Le Gouvernement de la République française est confié pour dix ans au prince Louis Napoléon Bonaparte, président actuel de la République.

ART. 3. – Le président de la République gouverne au moyen des ministres, du Conseil d´Etat, du Sénat et du Corps législatif.

ART. 4. – La puissance législative s´exerce collectivement par le président de la République, le Sénat et le Corps législatif. 

TITRE III

Du président de la République

ART. 5. – Le président de la République est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel.

ART. 6. – Le président de la République est le chef de l´Etat ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d´alliance et de commerce, nomme à tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l´exécution des lois.

ART. 7. – La justice se rend en son nom.

ART. 8. – Il a seul l´initiative des lois.

ART. 9. – Il a le droit de faire grâce.

ART. 10. – Il sanctionne et promulgue les lois et les sénatus-consultes.

ART. 11. – Il présente, tous les ans, au Sénat et au Corps législatif, par un message, l´état des affaires de la République.

ART. 12. – Il a le droit de déclarer l´état de siège dans un ou plusieurs départements, sauf à en référer au Sénat dans le plus bref délai. – Les conséquences de l´état de siège sont réglées par la loi.

ART. 13. – Les ministres ne dépendent que du chef de l´Etat ; ils ne sont responsables que, chacun en ce qui le concerne, des actes du gouvernement ; il n´y a point de solidarité entre eux ; ils ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat.

ART. 14. – Les ministres, les membres du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat, les officiers de terre et de mer, les magistrats et les fonctionnaires publics prêtent le serment ainsi conçu : ” Je jure obéissance à la Constitution et fidélité au président. ”

ART. 15. – Un sénatus-consulte fixe la somme allouée annuellement au président de la République pour toute la durée de ses fonctions.

ART. 16. – Si le président de la République meurt avant l´expiration de son mandat, le Sénat convoque la Nation pour procéder à une nouvelle élection.

ART. 17. – Le chef de l´Etat a le droit, par un acte secret et déposé aux archives du Sénat, de désigner le nom du citoyen qu´il recommande, dans l´intérêt de la France, à la confiance du Peuple et à ses suffrages.

ART. 18. – Jusqu´à l´élection du nouveau président de la République, le président du Sénat gouverne avec le concours des ministres en fonctions, qui se forment en Conseil de gouvernement, et délibèrent à la majorité des voix. 

TITRE IV

Du Sénat

ART. 19. – Le nombre des sénateurs ne pourra excéder cent cinquante : il est fixé pour la première année, à quatre-vingts.

ART. 20. – Le Sénat se compose : 1° Des cardinaux, des maréchaux, des amiraux ; 2° Des citoyens que le président de la République juge convenable d´élever à la dignité de sénateur.

ART. 21. – Les sénateurs sont inamovibles et à vie.

ART. 22. – Les fonctions de sénateur sont gratuites ; néanmoins le président de la République pourra accorder à des sénateurs, en raison de services rendus et de leur position de fortune, une dotation personnelle, qui ne pourra excéder trente mille francs par an.

ART. 23. – Le président et les vice-présidents du Sénat sont nommés par le président de la République et choisis parmi les sénateurs. – Ils sont nommés pour un an. – Le traitement du président du Sénat est fixé par un décret.

ART. 24. – Le président de la République convoque et proroge le Sénat. Il fixe la durée de ses sessions par un décret. – Les séances du Sénat ne sont pas publiques.

ART. 25. – Le Sénat est le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Aucune loi ne peut être promulguée avant de lui avoir été soumise.

ART. 26. – Le Sénat s´oppose à la promulgation. – 1° Des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l´égalité des citoyens devant la loi, à l´inviolabilité de la propriété et au principe de l´inamovibilité de la magistrature ; 2° De celles qui pourraient compromettre la défense du territoire.

ART. 27. – Le Sénat règle par un sénatus-consulte : 1° La constitution des colonies et de l´Algérie ; 2° Tout ce qui n´a pas été prévu par la Constitution et qui est nécessaire à sa marche ; 3° Le sens des articles de la Constitution qui donnent lieu à différentes interprétations.

ART. 28. – Ces sénatus-consultes seront soumis à la sanction du président de la République et promulgués par lui.

ART. 29. – Le Sénat maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés comme inconstitutionnels par le gouvernement, ou dénoncés, pour la même cause, par les pétitions des citoyens.

ART. 30. – Le Sénat peut, dans un rapport adressé au président de la République, poser les bases de projets de loi d´un grand intérêt national.

ART. 31. – Il peut également proposer des modifications à la Constitution. Si la proposition est adoptée par le pouvoir exécutif, il y est statué par un sénatus-consulte.

ART. 32. – Néanmoins, sera soumise au suffrage universel toute modification aux bases fondamentales de la Constitution, telles qu´elles ont été posées dans la proclamation du 2 décembre et adoptées par le Peuple français.

ART. 33. – En cas de dissolution du Corps législatif, et jusqu´à une nouvelle convocation, le Sénat, sur la proposition du président de la République, pourvoit, par des mesures d´urgence, à tout ce qui est nécessaire à la marche du gouvernement. 

TITRE V

Du Corps législatif

ART. 34. – L´élection a pour base la population.

ART. 35. – Il y aura un député au Corps législatif à raison de trente-cinq mille électeurs.

ART. 36. – Les députés sont élus par le suffrage universel, sans scrutin de liste.

ART. 37. – Ils ne reçoivent aucun traitement.

ART. 38. – Ils sont nommés pour six ans.

ART. 39. – Le Corps législatif discute et vote les projets de loi et l´impôt.

ART. 40. – Tout amendement adopté par la commission chargée d´examiner un projet de loi sera renvoyé, sans discussion, au Conseil d´Etat par le président du Corps législatif. – Si l´amendement n´est pas adopté par le Conseil d´Etat, il ne pourra pas être soumis à la délibération du Corps législatif.

ART. 41. – Les sessions ordinaires du Corps législatif durent trois mois ; ses séances sont publiques, mais la demande de cinq membres suffit pour qu´il se forme en Comité secret.

ART. 42. – Le compte rendu des séances du Corps législatif par les journaux ou tout autre moyen de publication, ne consistera que dans la reproduction du procès-verbal, dressé, à l´issue de chaque séance, par les soins du président du Corps législatif.

ART. 43. – Le président et les vice-présidents du Corps législatif sont nommés par le président de la République pour un an ; ils sont choisis parmi les députés. Le traitement du président du Corps législatif est fixé par un décret.

ART. 44. – Les ministres ne peuvent être membres du Corps législatif.

ART. 45. – Le droit de pétition s´exerce auprès du Sénat. Aucune pétition ne peut être adressée au Corps législatif.

ART. 46. – Le président de la République convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif. En cas de dissolution, le président de la République doit en convoquer un nouveau dans le délai de six mois. 

TITRE VI

Du Conseil d´Etat

ART 47. – Le nombre des conseillers d´Etat en service ordinaire est de quarante à cinquante.

ART. 48. – Les conseillers d´Etat sont nommés par le président de la République, et révocables par lui.

ART. 49. – Le Conseil d´Etat est présidé par le président de la République, et, en son absence, par la personne qu´il désigne comme vice-président du Conseil d´Etat.

ART. 50. – Le Conseil d´Etat est chargé, sous la direction du président de la République, de rédiger les projets de loi et les règlements d´administration publique, et de résoudre les difficultés qui s´élèvent en matière d´administration.

ART. 51. – Il soutient au nom du gouvernement, la discussion des projets de loi devant le Sénat et le Corps législatif. – Les conseillers d´Etat chargés de porter la parole au nom du gouvernement sont désignés par le président de la République.

ART. 52. – Le traitement de chaque conseiller d´Etat est de vingt-cinq mille francs.

ART. 53. – Les ministres ont rang, séance et voix délibérative au Conseil d´Etat. 

TITRE VII

De la Haute Cour de justice

ART. 54. – Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, toutes personnes qui ont été renvoyées devant elle comme prévenues de crimes, attentats ou complots contre le président de la République et contre la sûreté intérieure ou extérieure de l´Etat. – Elle ne peut être saisie qu´en vertu d´un décret du président de la République.

ART. 55. – Un sénatus-consulte déterminera l´organisation de cette Haute Cour. 

TITRE VIII

Dispositions générales et transitoires

ART. 56. – Les dispositions des codes, lois et règlements existants, qui ne sont pas contraires à la présente Constitution, restent en vigueur jusqu´à ce qu´il y soit légalement dérogé.

ART. 57. – Une loi déterminera l´organisation municipale. Les maires seront nommés par le pouvoir exécutif, et pourront être pris hors du conseil municipal.

ART. 58. – La présente Constitution sera en vigueur à dater du jour où les grands Corps de l´Etat qu´elle organise seront constitués. – Les décrets rendus par le président de la République, à partir du 2 décembre jusqu´à cette époque, auront force de loi.

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Sénatus-consulte du 7 novembre 1852, portant modification à la Constitution

ARTICLE PREMIER. – La dignité impériale est rétablie. – Louis Napoléon Bonaparte est Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III.

ART. 2. – La dignité impériale est héréditaire dans la descendance directe et légitime de Louis Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l´exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

ART. 3. – Louis Napoléon Bonaparte, s´il n´a pas d´enfants mâles, peut adopter les enfants et descendants légitimes, dans la ligne masculine des frères de l´Empereur Napoléon Ier. – Les formes de l´adoption sont réglées par un sénatus-consulte. – Si, postérieurement à l´adoption, il survient à Louis Napoléon des enfants mâles, ses fils adoptifs ne pourront être appelés à lui succéder qu´après ses descendants légitimes. – L´adoption est interdite aux successeurs de Louis Napoléon et à leur descendance.

ART. 4. – Louis Napoléon Bonaparte règle, par un décret organique adressé au Sénat et déposé dans ses archives, l´ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, pour le cas où il ne laisserait aucun héritier direct, légitime ou adoptif.

ART. 5. – A défaut d´héritier légitime ou d´héritier adoptif de Louis Napoléon Bonaparte, et des successeurs en ligne collatérale qui prendront leur droit dans le décret organique sus-mentionné, un sénatus-consulte proposé au Sénat par les ministres formés en Conseil de gouvernement, avec l´adjonction des présidents en exercice du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat, et soumis à l´acceptation du Peuple, nomme l´Empereur et règle dans sa famille l´ordre héréditaire de mâle en mâle, à l´exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. – Jusqu´au moment où l´élection du nouvel empereur est consommée, les affaires de l´Etat sont gouvernées par les ministres en fonctions, qui se forment en Conseil de gouvernement et délibèrent à la majorité des voix.

ART. 6. – Les membres de la famille de Louis Napoléon Bonaparte appelés éventuellement à l´hérédité, et leur descendance des deux sexes, font partie de la famille impériale. Un sénatus-consulte règle leur position. Ils ne peuvent se marier sans l´autorisation de l´Empereur. Leur mariage fait sans cette autorisation emporte privation de tout droit à l´hérédité, tant pour celui qui l´a contracté que pour ses descendants. – Néanmoins, s´il n´existe pas d´enfants de ce mariage, en cas de dissolution pour cause de décès, le prince qui l´aurait contracté recouvre ses droits à l´hérédité. – Louis Napoléon Bonaparte fixe les titres et la condition des autres membres de sa famille. – L´empereur a pleine autorité sur tous les membres de sa famille ; il règle leurs devoirs et leurs obligations par des statuts qui ont force de loi.

ART. 7. – La Constitution du 14 janvier 1852 est maintenue dans toutes celles de ses dispositions qui ne sont pas contraires au présent sénatus-consulte ; il ne pourra y être apporté de modifications que dans les formes et par les moyens qu´elle a prévus.

ART. 8. – La proposition suivante sera présentée à l´acceptation du Peuple français dans les formes déterminées par les décrets des 2 et 4 décembre 1851 :

” Le Peuple français veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l´ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu´il est prévu par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. ”

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Décret impérial du 2 décembre 1852, qui promulgue et déclare Loi de l´Etat le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, ratifié par le plébiscite des 21 et 22 novembre

Napoléon… Vu le sénatus-consulte, en date du 7 novembre 1852, qui soumet au peuple le plébiscite dont la teneur suit :

” Le peuple veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l´ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu´il est prévu par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. ”

Vu la déclaration du Corps législatif qui constate :

Que les opérations du vote ont été partout librement et régulièrement accomplies ;

Que le recensement général des suffrages émis sur le projet de plébiscite a donné sept millions huit cent vingt-quatre mille cent quatre-vingt-neuf (7 824 189) bulletins portant le mot oui ;

Deux cent cinquante-trois mille cent quarante-cinq (253 145) bulletins portant le mot non ;

Soixante-trois mille trois cent vingt-six (63 326) bulletins nuls ; – Avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE PREMIER. – Le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, ratifié par le plébiscite des 21 et 22 novembre, est promulgué et devient loi de l´Etat.

ART. 2. – Louis Napoléon Bonaparte est Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

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Sénatus-consulte du 12 décembre 1852, sur la liste civile et la dotation de la couronne 

TITRE PREMIER
Section première. – De la liste civile de l´empereur et de la dotation de la couronne. 
Section 2. – Conditions de la jouissance des biens formant la dotation de la couronne.
TITRE II : Du douaire de l´impératrice et de la dotation des princes de la famille impériale                                                                                                      TITRE III : Du domaine privé
TITRE IV : Des droits des créanciers et des actes judiciaires 

TITRE PREMIER 

Section première. – De la liste civile de l´empereur et de la dotation de la couronne.

ARTICLE PREMIER. – La liste civile de l´empereur est fixée, à partir du 1er décembre 1852, pour toute la durée du règne, conformément à l´article 15 du sénatus-consulte du
28 floréal an XII.

ART. 2. – La dotation immobilière de la couronne comprend les palais, châteaux, maisons, domaines et manufactures énumérés dans le tableau annexé au présent sénatus-consulte.

ART. 3. – Les biens particuliers appartenant à l´empereur au moment de son avènement au trône sont, de plein droit, réunis au domaine de l´Etat, et font partie de la dotation de la couronne.

ART. 4. – La dotation mobilière comprend les diamants, perles, pierreries, statues, tableaux, pierres gravées, musées, bibliothèques et autres monuments des arts, ainsi que les meubles meublants contenue dans l´hôtel du Garde-meuble et les divers palais et établissements impériaux.

ART. 5. – Il est dressé par récolement, aux frais du trésor, un état et des plans des immeubles, ainsi qu´un inventaire descriptif de tous les meubles ; ceux de ces meubles susceptibles de se détériorer par l´usage seront estimés. Des doubles de ces actes seront déposés dans les archives du Sénat.

ART. 6. – Les monuments et objets d´art qui seront placés dans les maisons impériales, soit aux frais de l´Etat, soit aux frais de la couronne, seront et demeureront, dès ce moment, propriété de la couronne. 

Section 2. – Conditions de la jouissance des biens formant la dotation de la couronne.

ART. 7. – Les biens meubles et immeubles de la couronne sont inaliénables et imprescriptibles. – Ils ne peuvent être donnés, vendus, engagés ni grevés d´hypothèques. – Néanmoins, les objets inventoriés avec estimation aux termes de l´article 5, peuvent être aliénés moyennant remplacement.

ART. 8. – L´échange de biens composant la dotation de la couronne ne peut être autorisé que par un sénatus-consulte.

ART. 9 Les biens de la couronne et le trésor public ne sont jamais grevés des dettes de l´empereur ou des pensions par lui accordées.

ART. 10. – La durée des baux, à moins qu´un sénatus-consulte ne l´autorise, ne peut pas excéder vingt et un ans ; ils ne peuvent être renouvelés plus de trois ans avant leur expiration.

ART. 11. – Les forêts de la couronne sont soumises aux dispositions du Code forestier, en ce qui les concerne – elles sont assujetties à un aménagement régulier. – Il ne peut y être fait aucune coupe extraordinaire quelconque, ni aucune coupe des quarts en réserve ou de massifs réservés par l´aménagement pour croître en futaie, si ce n´est en vertu d´un sénatus-consulte. – Les dispositions des articles 2 et 3 du sénatus-consulte du 3 juillet 1852 sont applicables aux biens de la couronne.

ART. 12. – Les propriétés de la couronne ne sont pas soumises à l´impôt ; elles supportent néanmoins toutes les charges communales et départementales. – Afin de fixer leurs portions contributives dans ces charges, elles sont portées sur les rôles, et pour leurs revenus estimatifs, de la même manière que les propriétés privées.

ART. 13. – L´empereur peut faire aux palais, bâtiments et domaines de la couronne, tous les changements, additions et démolitions qu´il juge utiles à leur conservation ou à leur embellissement.

ART. 14. – L´entretien et les réparations de toute nature de meubles et immeubles de la couronne sont à la charge de la liste civile.

ART. 15. – Sauf les conditions qui précèdent, et l´obligation de fournir caution dont l´empereur est affranchi, toutes les autres règles du droit civil régissent les propriétés de la couronne. 

TITRE II

Du douaire de l´impératrice et de la dotation des princes de la famille impériale

ART. 16. – Le douaire de l´impératrice est fixé par un sénatus-consulte, lors du mariage de l´empereur.

ART. 17. – Une dotation annuelle de quinze cent mille francs est affectée aux princes et princesses de la famille impériale. La répartition de cette dotation est faite par décret de l´empereur. 

TITRE III

Du domaine privé

ART. 18. – Le domaine privé de l´empereur se compose des biens qu´il acquiert à titre gratuit ou onéreux pendant son règne.

ART. 19. – L´empereur peut disposer de son domaine privé sans être assujetti aux règles du Code Napoléon sur la quotité disponible. – S´il n´en a pas disposé, les propriétés du domaine privé font retour au domaine de l´Etat et font partie de la dotation de la couronne.

ART. 20. – Les propriétés du domaine privé sont, sauf l´exception portée en l´article précédent, soumises à toutes les règles du Code Napoléon ; elles sont imposées et cadastrées. 

TITRE IV

Des droits des créanciers et des actes judiciaires

ART. 21. – Demeurent toujours réservés sur le domaine privé délaissé par l´empereur, les droits de ses créanciers et les droits des employés de sa maison à qui des pensions de retraite ont été accordées ou sont dues par imputation sur un fonds de retenues faites sur leurs appointements.

ART. 22. – Les actions concernant la dotation de la couronne et le domaine privé sont dirigées par ou contre l´administrateur de ce domaine. – Les unes et les autres sont d´ailleurs instruites et jugées dans les formes ordinaires, sauf la présente dérogation à l´article 69 du Code de procédure civile.

ART. 23. – Les titres sont exécutoires seulement sur tous les biens meubles et immeubles composant le domaine privé. – Ils ne le sont jamais sur les effets mobiliers renfermés dans les palais, manufactures et maisons impériales, ni les deniers de la liste civile.

Suit le tableau des immeubles affectés à la dotation de la couronne.

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Sénatus-consulte du 25 décembre 1852, portant interprétation et modification de la Constitution du 14 janvier 1852

ARTICLE PREMIER. – L´empereur a le droit de faire grâce et d´accorder des amnisties.
ART. 2. – L´empereur préside, quand il le juge convenable, le Sénat et le Conseil d´Etat.

ART. 3. – Les traités de commerce faits en vertu de l´article 6 de la Constitution ont force de loi pour les modification de tarif qui y sont stipulées.

ART. 4. – Tous les travaux d´utilité publique, notamment ceux désignés par l´article 10 de la loi du 21 avril 1832 et l´article 3 de la loi du 3 mai 1841, toutes les entreprises d´intérêt général, sont ordonnés ou autorisés par décrets de l´Empereur. – Ces décrets sont rendus dans les formes prescrites pour les règlements d´administration publique. – Néanmoins, si ces travaux et entreprises ont pour condition des engagements ou des subsides du Trésor, le crédit devra être accordé ou l´engagement ratifié par une loi avant la mise à exécution. – Lorsqu´il s´agit de travaux exécutés pour le compte de l´Etat, et qui ne sont pas de nature à devenir l´objet de concessions, les crédits peuvent être ouverts, en cas d´urgence, suivant les formes prescrites pour les crédits extraordinaires : ces crédits seront soumis au Corps législatif dans sa plus prochaine session.

ART. 5. – Les dispositions du décret organique du 22 mars 1852 peuvent être modifiées par des décrets de l´empereur.

ART. 6. – Les membres de la famille impériale appelés éventuellement à l´hérédité et leurs descendants, portent le nom de princes français. – Le fils aîné de l´empereur porte le titre de prince impérial.

ART. 7. – Les princes français sont membres du Sénat et du Conseil d´Etat quand ils ont atteint l´âge de dix-huit ans accomplis. – Ils ne peuvent y siéger qu´avec l´agrément de l´empereur.

ART. 8. – Les actes de l´état civil de la famille impériale sont reçus par le ministre d´Etat, et transmis, sur un ordre de l´empereur, au Sénat, qui en ordonne la transcription sur ses registres et le dépôt dans ses archives.

ART. 9. – La dotation de la couronne et la liste civile de l´empereur sont réglées, pour la durée de chaque règne, par un sénatus-consulte spécial.

ART. 10. – Le nombre de sénateurs nommés directement par l´empereur ne peut excéder cent cinquante.

ART. 11. – Une dotation annuelle et viagère de trente mille francs est affectée à la dignité de sénateur.

ART. 12. – Le budget des dépenses est présenté au Corps législatif avec ses subdivisions administratives, par chapitres et par articles. – Il est voté par ministère. – La répartition par chapitres du crédit accordé pour chaque ministère est réglée par décret de l´empereur, rendu en Conseil d´Etat. – Des décrets spéciaux, rendus dans la même forme, peuvent autoriser des virements d´un chapitre à un autre. Cette disposition est applicable au budget de l´année 1853.

ART. 13. – Le compte rendu prescrit par l´article 42 de la Constitution est soumis, avant sa publication, à une commission composée du président du Corps législatif et des présidents de chaque bureau. En cas de partage d´opinions, la voix du président du Corps législatif est prépondérante. – Le procès-verbal de la séance, lu à l´Assemblée, constate seulement les opérations et les votes du Corps législatif.

ART. 14. – Les députés au Corps législatif reçoivent une indemnité qui est fixée à deux mille cinq cents francs par mois pendant la durée de chaque session ordinaire ou extraordinaire.

ART. 15. – Les officiers généraux placés dans le cadre de réserve peuvent être membres du Corps législatif. Ils sont réputés démissionnaires, s´ils sont employés activement, conformément à l´article 5 du décret du 1er décembre 1852, et à l´article 3 de la loi du 4 août 1839.

ART. 16. – Le serment prescrit par l´article 14 de la Constitution est ainsi conçu : ” Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l´empereur. ”

ART. 17. – Les articles 2, 9, 11, 15, 16, 17, 18, 19, 22 et 37 de la Constitution du 14 janvier 1852 sont abrogés.

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Sénatus-consulte du 23 avril 1856, interprétatif de l´article 22 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852, sur la liste civile et la dotation de la couronne

ARTICLE UNIQUE. – L´administrateur de la dotation de la couronne a seul qualité pour procéder en justice, soit en demandant, soit en défendant, dans les instances relatives à la propriété des biens faisant partie de cette dotation ou du domaine privé. – Il a seul qualité pour préparer et consentir les actes relatifs aux échanges du domaine de la couronne, et tous autres actes conformes aux prescriptions du sénatus-consulte du 12 décembre 1852. – Il a pareillement qualité, dans les cas prévus par les articles 13 et 26 de la loi du 3 mai 1841, pour consentir seul les expropriations et recevoir les indemnités, sous la condition de faire emploi desdites indemnités, soit en immeubles, soit en rentes sur l´Etat, sans toutefois que le débiteur soit tenu de surveiller le remploi.

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Sénatus-consulte du 17 juillet 1856, sur la régence de l´Empire 

TITRE PREMIER : De la régence 
TITRE II : Du Conseil de régence 
TITRE III : Dispositions diverses 

TITRE PREMIER

De la régence

ARTICLE PREMIER. – L´empereur est mineur jusqu´à l´âge de dix-huit ans accomplis.

ART. 2. – Si l´empereur monte sur le trône sans que l´empereur son père ait disposé, par acte rendu public avant son décès, de la régence de l´Empire, l´impératrice mère est régente et a la garde de son fils mineur.

ART. 3. – L´impératrice-régente qui convole à de secondes noces perd de plein droit la régence et la garde de son fils mineur.

ART. 4. – A défaut de l´impératrice, qu´elle ait ou non exercé la régence, et si l´empereur n´en a autrement disposé par acte rendu public ou secret, la régence appartient au premier prince français, et, à son défaut, à l´un des autres princes français dans l´ordre de l´hérédité de la couronne. – L´empereur peut, par acte public ou secret, pourvoir aux vacances qui pourraient se produire dans l´exercice de la régence pendant la minorité.

ART. 5. – S´il n´existe aucun prince français habile à exercer la régence, les ministres en fonctions se forment en Conseil et gouvernent les affaires de l´Etat jusqu´au moment où le régent est nommé. – Ils délibèrent à la majorité des voix. – Immédiatement après la mort de l´empereur, le Sénat est convoqué par le Conseil de régence. – Sur la proposition du Conseil de régence, le Sénat élit le régent parmi les candidats qui lui sont présentés. – Dans le cas où le Conseil de régence n´aurait pas été nommé par l´empereur, la convocation et la proposition sont faites par les ministres formés en Conseil, avec l´adjonction des présidents en exercice du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat.

ART. 6. – Le régent et les membres du Conseil de régence doivent être français et âgés de vingt et un ans accomplis.

ART. 7. – Les actes par lesquels l´empereur dispose de la régence ou nomme les membres du Conseil de régence sont adressés au Sénat et déposés dans ses archives. – Si l´empereur a disposé de la régence ou nommé les membres du Conseil de régence par un acte secret, l´ouverture de cet acte est faite immédiatement après la mort de l´empereur, au Sénat, par le président du Sénat, en présence des sénateurs qui auront pu répondre à la convocation, et en présence des ministres et des présidents du Corps législatif et du Conseil d´Etat dûment appelés.

ART. 8. – Tous les actes de la régence sont au nom de l´empereur mineur.

ART. 9. – Jusqu´à la majorité de l´empereur, l´impératrice-régente ou le régent exerce pour l´empereur mineur l´autorité impériale dans toute sa plénitude, sauf les droits attribués au Conseil de régence. – Toutes dispositions législatives qui protègent la personne de l´empereur sont applicables à l´impératrice-régente et au régent.

ART. 10. – Les fonctions de l´impératrice-régente ou du régent commencent au moment du décès de l´empereur. – Mais si un acte secret concernant la régence a été adressé au Sénat et déposé dans ses archives, les fonctions du régent ne commencent qu´après l´ouverture de cet acte. Jusqu´à ce qu´il y ait été procédé, le gouvernement des affaires de l´Etat reste entre les mains des ministres en fonctions, conformément à l´article 5.

ART. 11. – Si l´empereur mineur décède, laissant un frère héritier du trône, la régence de l´impératrice ou celle du régent continue sans aucune formalité nouvelle.

ART. 12. – La régence de l´impératrice cesse si l´ordre d´hérédité appelle au trône un prince mineur qui ne soit pas son fils. Il est pourvu dans ce cas, à la régence, conformément à l´article 4 ou à l´article 5 du présent sénatus-consulte.

ART. 13. – Si l´empereur mineur décède, laissant la couronne à un empereur mineur d´une autre branche, le régent reste en fonctions jusqu´à la majorité du nouvel empereur.

ART. 14. – Lorsque le prince français désigné par le présent sénatus-consulte s´est trouvé empêché par défaut d´âge ou par toute autre cause légale, d´exercer la régence, au moment du décès de l´empereur, le régent en exercice conservera la régence jusqu´à la majorité de l´empereur.

ART. 15. – La régence, autre que celle de l´impératrice, ne confère aucun droit sur la personne de l´empereur mineur. – La garde de l´empereur mineur, la surintendance de sa maison, la surveillance de son éducation sont confiés, à sa mère. – A défaut de la mère ou d´une personne désignée par l´empereur, la garde de l´empereur mineur est confiée à la personne nommée par le Conseil de régence. – Ne peuvent être nommés ou désignés, ni le régent, ni ses descendants.

ART. 16. – Si l´impératrice-régente ou le régent n´ont pas prêté serment du vivant de l´empereur pour l´exercice de la régence, ils le prêtent, sur l´Evangile, à l´empereur mineur assis sur le trône, assisté des princes français des membres du Conseil de régence, des ministres, des grands officiers de la couronne et des grands-croix de la Légion d´honneur, en présence du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat. – Le serment peut aussi être prêté à l´empereur mineur en présence des membres du Conseil de régence, des ministres et des présidents du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat. – Dans ce cas, la prestation de serment est rendue publique par une proclamation de l´impératrice-régente ou du régent.

ART. 17. – Le serment prêté par l´impératrice-régente ou le régent est conçu en ces termes : – ” Je jure fidélité à l´empereur ; je jure de gouverner conformément à la Constitution, aux sénatus-consultes et aux lois de l´Empire ; de maintenir dans leur intégrité les droits de la nation et ceux de la dignité impériale ; de ne consulter, dans l´emploi de mon autorité, que mon dévouement pour l´empereur et pour la France, et de remettre fidèlement à l´empereur, au moment de sa majorité, le pouvoir dont l´exercice m´est confié ” Procès-verbal de cette prestation de serment est dressé par le ministre d´Etat. Ce procès-verbal est adressé au Sénat et déposé dans ses archives. – L´acte est signé par l´impératrice-régente ou le régent, par les princes de la famille impériale, par les membres du Conseil de régence, par les ministres et par les présidents du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat. 

TITRE II

Du Conseil de régence

ART. 18. – Un Conseil de Régence est constitué pour toute la durée de la minorité de l´empereur. – Il se compose : – 1° Des princes français désignés par l´empereur ; – A défaut de désignation par l´empereur, des deux princes français les plus proches dans l´ordre d´hérédité ; – 2° Des personnes que l´empereur a désignées par acte public ou secret. – Si l´empereur n´a fait aucune désignation, le Sénat nomme cinq personnes pour faire partie du Conseil de régence. – En cas de mort ou de démission d´un ou plusieurs membres du Conseil de régence, autres que les princes français, le Sénat pourvoit à leur remplacement.

ART. 19. – Aucun membre du Conseil de régence ne peut être éloigné de ses fonctions par l´impératrice-régente ou le régent.
ART. 20. – Le Conseil de régence est convoqué et présidé par l´impératrice-régente ou le régent. – L´impératrice-régente ou le régent peuvent déléguer, pour présider à leur place, l´un des princes français faisant partie du Conseil de régence ou l´un des autres membres de ce Conseil.

ART. 21. – Le Conseil de régence délibère nécessairement, et à la majorité absolue des voix : – 1° Sur le mariage de l´empereur ; – 2° Sur les déclarations de guerre, la signature des traités de paix, d´alliance ou de commerce ; – 3° Sur les projets de sénatus-consultes organiques. – En cas de partage, la voix de l´impératrice-régente ou du régent est prépondérante. Si la présidence est exercée par délégation, l´impératrice-régente ou le régent décident.

ART. 22. – Le Conseil de régence a seulement voix consultative sur toutes les autres questions qui lui sont soumises par l´impératrice-régente ou le régent. 

TITRE III

Dispositions diverses

ART. 23. – Durant la régence, l´administration de la dotation de la couronne continue selon les règles établies. – L´emploi des revenus est déterminé dans les formes accoutumées, sous l´autorité de l´impératrice-régente ou du régent.

ART. 24. – Les dépenses personnelles de l´impératrice-régente ou du régent et l´entretien de leur maison font partie du budget de la couronne. La quotité en est fixée par le Conseil de régence.

ART. 25. – En cas d´absence du régent au commencement d´une minorité, sans qu´il y ait été pourvu par l´empereur avant son décès, les affaires de l´Etat sont gouvernées, jusqu´à l´arrivée du régent, conformément aux dispositions de l´article 5 du présent sénatus-consulte.

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Sénatus-consulte du 2 février 1861, qui modifie l´article 42 de la Constitution

L´article 42 de la Constitution est modifié ainsi qu´il suit :

Les débats des séances du Sénat et du Corps législatif sont reproduits par la sténographie et insérés in extenso dans le Journal officiel du lendemain. – En outre, les comptes rendus de ces séances, rédigés par des secrétaires-rédacteurs placés sous l´autorité du président de chaque Assemblée, sont mis, chaque soir, à la disposition de tous les journaux. – Le compte rendu des séances du Sénat et du Corps législatif par les journaux, ou tout autre moyen de publication, ne consistera que dans la reproduction des débats insérés in extenso dans le Journal officiel, ou du compte rendu rédigé sous l´autorité du président, conformément aux paragraphes précédents. – Néanmoins, lorsque plusieurs projets ou pétitions auront été discutés dans une séance, il sera permis de ne reproduire que les débats relatifs à un seul de ces projets ou à une seule de ces pétitions. Dans ce cas, si la discussion se prolonge pendant plusieurs séances, la publication devra être continuée jusqu´au vote et y compris le vote. – Le Sénat, sur la demande de cinq membres, pourra décider qu´il se forme en comité secret. – L´article 13 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 est abrogé en ce qu´il a de contraire au présent sénatus-consulte.

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Sénatus-consulte du 18 juillet 1866, qui modifie la Constitution et notamment les articles 40 et 41

ARTICLE PREMIER. La Constitution ne peut être discutée par aucun pouvoir public autre que le Sénat procédant dans les formes qu´elle détermine. – Une pétition ayant pour objet une modification quelconque ou une interprétation de la Constitution ne peut être rapportée en séance générale que si l´examen en a été autorisé par trois au moins des cinq bureaux du Sénat.

ART. 2. – Est interdite toute discussion ayant pour objet la critique ou la modification de la Constitution, et publiée ou reproduite soit par la presse périodique, soit par des affiches, soit par des écrits non périodiques des dimensions déterminées par le paragraphe 1er de l´article 9 du décret du 17 février 1852. – Les pétitions ayant pour objet une modification ou une interprétation de la Constitution ne peuvent être rendues publiques que par la publication du compte rendu officiel de la séance dans laquelle elles ont été rapportées. – Toute infraction aux prescriptions du présent article constitue une contravention punie d´une amende de cinq cents à dix mille francs.

ART. 3. – L´article 40 de la Constitution du 14 janvier 1852 est modifié ainsi qu´il suit : – Art. 40. Les amendements adoptés par la commission chargée d´examiner un projet de loi sont renvoyés au Conseil d´Etat par le président du Corps législatif. – Les amendements non adoptés par la commission ou par le Conseil d´Etat, peuvent être pris en considération par le Corps législatif et renvoyés à un nouvel examen de la commission. – Si la commission ne propose pas de rédaction nouvelle, ou si celle qu´elle propose n´est pas adoptée par le Conseil d´Etat, le texte primitif du projet est seul mis en délibération.

ART. 4. – La disposition de l´article 41 de la Constitution du 14 janvier 1852, qui limite à trois mois la durée des sessions ordinaires du Corps législatif, est abrogée. Un décret de l´Empereur prononce la clôture de la session. – L´indemnité attribuée aux députés au Corps législatif est fixée à douze mille cinq cents francs pour chaque session ordinaire, quelle qu´en soit la durée. – En cas de session extraordinaire, l´indemnité continue à être réglée conformément à l´article 14 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852.

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Sénatus-consulte du 14 mars 1867, qui modifie l´article 26 de la Constitution

L´article 26 de la Constitution est modifié de la manière suivante :

ART. 26. – Le Sénat s´oppose à la promulgation : – 1° Des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l´égalité des citoyens devant la loi, à l´inviolabilité de la propriété et au principe de l´inamovibilité de la magistrature ; – 2° De celles qui pourraient compromettre la défense du territoire. – Le Sénat peut en outre avant de se prononcer sur la promulgation d´une loi, décider, par une résolution motivée, que cette loi sera soumise à une nouvelle délibération du Corps législatif. – Cette nouvelle délibération n´aura lieu que dans une session suivante, à moins que le Sénat n´ait reconnu qu´il y a urgence. – Lorsque, dans une seconde délibération, le Corps législatif a adopté la loi sans changements, le Sénat, saisi de nouveau, délibère uniquement sur la question de savoir s´il s´oppose ou non à la promulgation de la loi conformément aux nos 1 et 2 du présent article.

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Sénatus-consulte du 8 septembre 1869, qui modifie divers articles de la Constitution, les articles 3 et 5 du sénatus-consulte du 22 décembre 1852 et l´article 1er du sénatus-consulte du 31 décembre 1861

ARTICLE PREMIER. – L´empereur et le Corps législatif ont l´initiative des lois.

ART. 2. – Les ministres ne dépendent que de l´empereur. – Ils délibèrent en Conseil sous sa présidence. – Ils sont responsables. – Ils ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat.

ART. 3. – Les ministres peuvent être membres du Sénat ou du Corps législatif. – Ils ont entrée dans l´une et l´autre assemblées, et doivent être entendus toutes les fois qu´ils le demandent.

ART. 4. – Les séances du Sénat sont publiques. La demande de cinq membres suffit pour qu´il se forme en comité secret.

ART. 5. – Le Sénat peut, en indiquant les modifications dont une loi lui paraît susceptible, décider qu´elle sera renvoyée à une nouvelle délibération du Corps législatif. – Il peut, dans tous les cas, s´opposer à la promulgation de la loi. – La loi à la promulgation de laquelle le Sénat s´est opposé ne peut être présentée de nouveau au Corps législatif dans la même session.

ART. 6. – A l´ouverture de chaque session, le Corps législatif nomme son président, ses vice-présidents et ses secrétaires. – Il nomme ses questeurs.

ART. 7. – Tout membre du Sénat ou du Corps législatif a le droit d´adresser une interpellation au gouvernement. – Des ordres du jour motivés peuvent être adoptés. – Le renvoi aux bureaux de l´ordre du jour motivé est de droit quand il est demandé par le gouvernement. – Les bureaux nomment une commission sur le rapport sommaire de laquelle l´Assemblée prononce.

ART. 8. – Aucun amendement ne peut être mis en délibération s´il n´a été envoyé à la commission chargée d´examiner le projet de loi et communiqué au gouvernement. – Lorsque le gouvernement et la commission ne sont pas d´accord, le Conseil d´Etat donne son avis et le Corps législatif prononce.

ART. 9. – Le budget des dépenses est présenté au Corps législatif par chapitres et articles. – Le budget de chaque ministère est voté par chapitres, conformément à la nomenclature annexée au présent sénatus-consulte.

ART. 10. – Les modifications apportées à l´avenir à des tarifs de douanes ou de postes par des traités internationaux ne seront obligatoires qu´en vertu d´une loi.

ART. 11. Les rapports constitutionnels actuellement établis entre le gouvernement de l´empereur, le Sénat et le Corps législatif ne peuvent être modifiés que par un sénatus-consulte. – Les rapports réglementaires entre ces pouvoirs sont établis par décret impérial. – Le Sénat et le Corps législatif font leur règlement intérieur.

ART. 12. – Sont abrogées toutes dispositions contraires au présent sénatus-consulte, et notamment les articles 8 et 13, le deuxième paragraphe de l´article 24, les articles 26 et 40, le cinquième paragraphe de l´article 42, le premier paragraphe de l´article 43, l´article 44 de la Constitution, les articles 3 et 5 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 et l´article 1er du sénatus-consulte du 31 décembre 1861.

Suit la nomenclature annoncée par l´article 9 § 2.

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Sénatus-consulte du 21 mai 1870, fixant la Constitution de l´Empire

TITRE PREMIER
TITRE II : De la dignité impériale et de la régence
TITRE III : Formes du gouvernement de l´empereur
TITRE IV : De l´empereur
TITRE V : Du Sénat
TITRE VI : Du Corps législatif
TITRE VII : Du Conseil d´Etat
TITRE VIII : Dispositions générales

Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut. – Vu notre décret du 23 avril dernier, qui convoque le Peuple français dans ses comices pour accepter ou rejeter le projet de plébiscite suivant : – ” Le Peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1860, par l´empereur, avec le concours des grands Corps de l´Etat, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870 ” ; – Vu la déclaration du Corps législatif qui constate : – Que les opérations du vote ont été régulièrement accomplies ; – Que le recensement général des suffrages émis sur le projet de plébiscite a donné : – Sept millions trois cent cinquante mille cent quarante-deux (7 350 142) bulletins portant le mot oui ; – Quinze cent trente-huit mille huit cent vingt-cinq (1 538 825) bulletins portant le mot non ; – Cent douze mille neuf cent soixante-quinze (112 975) bulletins nuls. – Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulguons comme loi de l´Etat le sénatus-consulte adopté par le Sénat, le 20 avril 1870, et dont la teneur suit :

Sénatus-consulte fixant la Constitution de l´Empire 

TITRE PREMIER

ARTICLE PREMIER. – La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français. 

TITRE II

De la dignité impériale et de la régence

ART. 2. – La dignité impériale, rétablie dans la personne de Napoléon III par le plébiscite des 21-22 novembre 1852, est héréditaire dans la descendance directe et légitime de Louis Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l´exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

ART. 3. – Napoléon III, s´il n´a pas d´enfant mâle, peut adopter les enfants et descendants légitimes dans la ligne masculine des frères de l´empereur Napoléon 1er. – Les formes de l´adoption sont réglées par une loi. – Si, postérieurement à l´adoption, il survient à Napoléon III des enfants mâles, ses fils adoptifs ne pourront être appelés à lui succéder qu´après ses descendants légitimes. – L´adoption est interdite aux successeurs de Napoléon III et à leur descendance.

ART. 4. – A défaut d´héritier légitime direct ou adoptif, sont appelés au trône le prince Napoléon (Joseph Charles Paul) et sa descendance directe et légitime, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l´exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

ART. 5. – A défaut d´héritier légitime ou d´héritier adoptif de Napoléon III et des successeurs en ligne collatérale qui prennent leurs droits dans l´article précédent, le Peuple nomme l´empereur et règle, dans sa famille, l´ordre héréditaire, de mâle en mâle, à l´exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. – Le projet de plébiscite est successivement délibéré par le Sénat et par le Corps législatif, sur la proposition des ministres formés en Conseil de gouvernement. – Jusqu´au moment où l´élection du nouvel empereur est consommée, les affaires de l´Etat sont gouvernées par les ministres en fonctions, qui se forment en Conseil de gouvernement et délibèrent à la majorité des voix.

ART. 6. – Les membres de la famille de Napoléon III appelés éventuellement à l´hérédité et leur descendance des deux sexes font partie de la famille impériale. – Ils ne peuvent se marier sans l´autorisation de l´empereur. Le mariage fait sans cette autorisation emporte privation de tout droit à l´hérédité, tant pour celui qui l´a contracté que pour ses descendants. – Néanmoins, s´il n´existe pas d´enfants de ce mariage, en cas de dissolution pour cause de décès, le prince qui l´aurait contracté recouvre ses droits à l´hérédité. – L´empereur fixe les titres et les conditions des autres membres de sa famille. – Il a pleine autorité sur eux ; il règle leurs devoirs et leurs droits par des statuts qui ont force de loi.

ART. 7. – La régence de l´Empire est réglée par le sénatus-consulte du 17 juillet 1856.

ART. 8. – Les membres de la famille impériale appelés éventuellement à l´hérédité prennent le titre de princes français. – Le fils aîné de l´empereur porte le titre de prince impérial

ART. 9. – Les princes français sont membres du Sénat et du Conseil d´Etat quand ils ont atteint l´âge de dix-huit ans accomplis. Ils ne peuvent y siéger qu´avec l´agrément de l´empereur. 

TITRE III

Formes du gouvernement de l´empereur

ART. 10. – L´empereur gouverne avec le concours des ministres, du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat.

ART. 11. – La puissance législative s´exerce collectivement par l´empereur, le Sénat et le Corps législatif.

ART. 12. – L´initiative des lois appartient à l´empereur, au Sénat et au Corps législatif. – Les projets de loi émanés de l´initiative de l´empereur peuvent, à son choix, être portés, soit au Sénat, soit au Corps législatif – Néanmoins, toute loi d´impôt doit être d´abord votée par le Corps législatif. 

TITRE IV

De l´empereur

ART. 13. – L´empereur est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel.

ART. 14. – L´empereur est le chef de l´Etat. Il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d´alliance et de commerce, nomme à tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l´exécution des lois.

Art. 15. — La justice se rend en son nom. — L´inamovibilité de la magistrature est maintenue.

Art. 16. — L´empereur a le droit de faire grâce et d´accorder des amnisties.

Art. 17. – Il sanctionne et promulgue les lois.

Art. 18. – Les modifications apportées à l´avenir à des tarifs de douanes ou de poste par des traités internationaux ne seront obligatoires qu´en vertu d´une loi.

Art. 19. — L´empereur nomme et révoque les ministres. — Les ministres délibèrent en conseil sous la présidence de l´empereur. — Ils sont responsables.

Art. 20. — Les ministres peuvent être membre du Sénat et du Corps législatif. — Ils ont entrée dans l´une et dans l´autre assemblée, et doivent être entendus toutes les fois qu´ils le demandent.

Art. 21. — Les ministres, les membres du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d´Etat, les officiers de terre et de mer, les magistrats et les fonctionnaires publics prêtent le serment ainsi conçu : ” Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l´empereur. ”

Art. 22. — Les sénatus-consultes, sur la dotation de la couronne et la liste civile, des 12 décembre 1852 et 23 avril 1856, demeurent en vigueur. — Toutefois, il sera statué par une loi dans les cas prévus par les articles 8, 11 et 16 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852. — A l´avenir, la dotation de la couronne et la liste civile seront fixées, pour toute la durée du règne, par la législature qui se réunira après l´avènement de l´empereur. 

TITRE V

Du Sénat

Art. 23. — Le Sénat se compose : — 1° Des cardinaux, des maréchaux, des amiraux ; — 2° Des citoyens que l´empereur élève à la dignité de sénateur.

Art. 24. — Les décrets de nomination des sénateurs sont individuels. Ils mentionnent les services et indiquent les titres sur lesquels la nomination est fondée. — Aucune autre condition ne peut être imposée au choix de l´empereur.

Art. 25. — Les sénateurs sont inamovibles et à vie.

Art. 26. — Le nombre des sénateurs peut être porté aux deux tiers de celui des membres du Corps législatif, y compris les sénateurs de droit. — L´empereur ne peut nommer plus de 20 sénateurs par an.

Art. 27. — Le président et les vice-présidents du Sénat sont nommés par l´empereur et choisis parmi les sénateurs. — Ils sont nommés pour un an.

Art. 28. — L´empereur convoque et proroge le Sénat. — Il prononce la clôture des sessions.

Art. 29. — Les séances du Sénat sont publiques. — Néanmoins, le Sénat pourra se former en comité secret dans les cas et suivant les conditions déterminées par son règlement.

Art. 30. — Le Sénat discute et vote les projets de lois. 

TITRE VI

Du Corps législatif

Art. 31. — Les députés sont élus par le suffrage universel, sans scrutin de liste.

Art. 32. — Ils sont nommés pour une durée qui ne peut être moindre de six ans.

Art. 33. — Le Corps législatif discute et vote les projets de lois.

Art. 34. — Le Corps législatif élit, à l´ouverture de chaque session, les membres qui composent son bureau.

Art. 35. — L´empereur convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif — En cas de dissolution, l´empereur doit en convoquer un nouveau dans un délai de six mois. — L´empereur prononce la clôture des sessions du Corps législatif.

Art. 36. — Les séances du Corps législatif sont publiques. — Néanmoins, le Corps législatif pourra se former en comité secret dans les cas et suivant les conditions déterminées par son règlement. 

TITRE VII

Du Conseil d´Etat

Art. 37. — Le Conseil d´Etat est chargé, sous la direction de l´empereur, de rédiger les projets de lois et les règlements d´administration publique, et de résoudre les difficultés qui s´élèvent en matière d´administration.

Art. 38. — Le Conseil soutient, au nom du gouvernement, la discussion des projets de loi devant le Sénat et le Corps législatif.

Art. 39. — Les conseillers d´Etat sont nommés par l´empereur et révocables par lui.

Art. 40. — Les ministres ont rang, séance et voix délibérative au Conseil d´Etat. 

TITRE VIII

Dispositions générales

Art. 41. — Le droit de pétition s´exerce auprès du Sénat et du Corps législatif.

Art. 42. — Sont abrogés les articles 19, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 de la Constitution du 14 janvier 1852 ; l´article 2 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 ; les articles 5 et 8 du sénatus-consulte du 8 septembre 1869, et toutes les dispositions contraires à la présente Constitution.

Art. 43. — Les dispositions de la Constitution du 14 janvier 1852 et celles des sénatus-consultes promulgués depuis cette époque qui ne sont pas comprises dans la présente Constitution et qui ne sont pas abrogées par l´article précédent ont force de loi.

Art. 44. — La Constitution ne peut être modifiée que par le Peuple, sur la proposition de l´empereur.

Art. 45. — Les changements et additions apportés au plébiscite des 20 et 21 décembre 1851, par la présente Constitution, seront soumis à l´approbation du Peuple, dans les formes déterminées par les décrets des 2 et 4 décembre 1851 et 7 novembre 1852. — Toutefois, le scrutin ne durera qu´un seul jour.

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Fonte : http://www.elysee.fr/la-presidence/les-textes-fondateurs/
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